
“La Femme qui s’est enfuie” : un film ouvert et féminin
La Femme qui s’est enfuie, le nouveau film de Hong Sangsoo, sort demain en salles. Ours d’Argent du Meilleur réalisateur à Berlin, il nous fait suivre les quelques jours de liberté d’une jeune femme, Gamhee, dont le mari est parti en voyage d’affaires. En cinq années de mariage, c’est la première fois qu’ils sont séparés plus d’une journée. Aussi en profite-t-elle pour rendre visite à d’anciennes amies.
Un film de dialogues
A partir d’une trame narrative très fine, le réalisateur coréen nous guide dans le quotidien de ces femmes dont nous suivons avec plaisir la conversation, a priori anecdotique.
Car c’est bien d’un film de paroles qu’il s’agit : comme son modèle Rohmer, Hong Sangsoo nous livre des dialogues légers, anodins et pourtant passionnants en raison de leur justesse. La réalisation souligne cette apparente trivialité : des plans fixes, une caméra à hauteur des personnages qui semble nous inviter à rien d’autre qu’à écouter.
Une inscription dans le quotidien qui permet un humour léger, comme ce personnage de Youngsoon qui revient systématiquement sur ses propres propos, de peur de vexer les gens.
Une interprétation ouverte
Le fait que ces dialogues constituent l’essentiel de la matière du film amène également le spectateur à douter de leur teneur. De la vie conjugale de Gamhee, on ne connaît finalement que sa version. Le spectateur attentif remarquera d’ailleurs que ce qu’elle dit à ses amies est, à la virgule près, exactement la même chose, comme un discours qu’elle aurait appris par cœur. Un soupçon de mensonge qui s’accroît quand on s’aperçoit que sa course la conduit à retrouver, par un faux hasard, un ancien amant. Aussi finit-on par se demander si la femme qui donne son titre au film est Youngsoon, qui vient de divorcer, ou Gamhee, qui nous échappe. On notera au passage que le titre anglais est d’ailleurs The Woman who run.
Un film féminin ?
L’essentiel des personnages que l’on suit sont donc ces femmes à qui Gamhee rend visite. S’il y a bien des hommes, ceux-ci sont systématiquement filmés de trois-quart dos, en une forme de léger hors-champ.
C’est que les hommes, semble nous dire le film, mieux vaut s’en débarrasser : la scène liminaire nous donne à voir des poules aux prises avec un coq, dont l’agressivité ne serait due, d’après Yougnji, qu’à sa vanité. Difficile de ne pas y voir une métaphore de la gent masculine tout entière.
Visuel : photographie de presse