
Jane Campion, cinéaste anticonformiste, présidente du Festival de Cannes 2014
Pour la première fois, le jury du Festival de Cannes, déjà présidé par de nombreuses actrices, aura à sa tête une cinéaste : Jane Campion, première femme à recevoir la Palme d’or en 1993 pour La Leçon de piano, et artiste à la sensiblité aussi stimulante que déroutante.
Dans Chacun son cinéma, film composé d’une trentaine de courts-métrages de trois minutes commandés par la direction du Festival de Cannes, pour célébrer ses soixante ans, à des réalisateurs habitués de la compétition, figurait The Lady Bug de Jane Campion : ballet aérien d’une femme déguisée en mouche et poursuivie par un balayeur géant, avec, en fond sonore, un dialogue n’ayant rien à voir. Assurément le film le plus déroutant du programme. Avoir la réalisatrice néo-zélandaise, née en 1954, comme présidente du jury peut augurer d’un palmarès anticonformiste pour le Festival de Cannes 2014.
Diplômée d’anthropologie à 21 ans, puis étudiante en arts plastiques, et enfin réalisatrice à 30 ans, Jane Campion a mêlé toutes ces disciplines étudiées pour bâtir une œuvre à la fois belle et complexe, grand public et très personnelle. Ses films, même tournés aux Etats-Unis, contiennent un climat à la lisière du fantastique, une atmosphère étouffante et un sentiment de violence sourde qui guette, prête à exploser. Des éléments caractéristiques du cinéma océanien. Son intérêt pour la question du comportement féminin leur donne une valeur originale.
Les sélecteurs cannois l’ont décelée tout de suite, cette originalité : Jane Campion est considérée comme une « enfant du Festival ». En 1986, Peel, son premier court, remporte la Palme d’or du court-métrage. Trois ans plus tard, elle est de retour en compétition avec son premier film, Sweetie. Une jeune héroïne névrosée, sa sœur un peu folle, le regard de leur famille, et au final, un drame qui ausculte la violence intérieure des femmes et qui fait mal.
http://vimeo.com/50606084
Son troisième film reprend la même thématique. Une plage de Nouvelle-Zélande, une jeune femme muette, deux hommes et un piano. La Leçon de piano reçoit la Palme d’or à Cannes en 1993 – ex-aequo avec Adieu ma concubine de Chen Kaige – son inoubliable interprète, Holly Hunter, le prix d’interprétation féminine, la critique est unanime, et Jane Campion accède au statut de grande.
Depuis, elle n’a cessé de multiplier les expériences : Portrait de femme (1996), plus grosse production avec Nicole Kidman, Holy smoke (1999), retour salvateur dans ses terres, In the cut (2003), pur exercice de style destiné à malmener Meg Ryan, Bright Star en 2009, et tout dernièrement, la série Top of the Lake.
Quelle couleur donnera-t-elle au palmarès qui succédera à l’édition 2013 ? Viendra-t-elle à Cannes avec une idée toute faite de sa Palme d’or ? Convaincra-t-elle les huit autres membres du jury de son choix à elle ? Sera-t-elle démocrate ? Les débats aboutiront-ils à un compromis un peu mou ? Les choix seront-ils radicaux ? Même si c’est dur d’attendre, réponse en mai prochain.
photo : Jane Campion recevant la Caméra d’or à Cannes en 2013 (c) Yaël Hirsch
Visuels : (c) affiches de La Leçon de piano et de Top of the Lake