François Caillat : “Edouard Louis n’a cessé de se transformer”

Edouard Louis, ou la transformation est le nouveau documentaire du réalisateur François Caillat. Ce dernier suit l’histoire de Edouard Louis, écrivain français connu pour ses romans à caractère autobiographique. Son travail dépeint la misère sociale dans laquelle il a grandi et la violence permanente dont il a été victime. Le film y questionne, à travers les mots de l’écrivain, le transfuge de classe et la manière dont chacun d’entre nous a sa propre capacité de métamorphose. À l’occasion de la sortie du film, François Caillat a accepté de répondre aux questions de Toute la culture. 

Toute la culture : Comment en êtes-vous venu à rencontrer Edouard Louis ? 

François Caillat : C’était à l’occasion d’un film documentaire que je préparais en 2013 : Foucault contre lui-même. Edouard Louis s’appelait Eddy Bellegueule et n’avait encore rien écrit, il était jeune étudiant à l’ENS. J’ai été séduit par ses capacités intellectuelles et il m’a aidé à construire le scénario de mon film sur le philosophe français. Plus tard, au vu de ses propres ouvrages (cinq livres parus depuis cette époque), j’ai eu envie de raconter son parcours étonnant, placé sous le signe de la transformation. C’est le sixième film que je réalise sur des écrivains et des penseurs. 

Qu’est-ce qui vous a fasciné chez ce personnage ? 

Sa vie, mais sa vie telle qu’il la raconte en l’analysant, en la commentant, en tirant de son propre vécu matière à réflexion pour d’autres que lui. Ses récits autobiographiques ont vocation à être partagés. C’est pourquoi beaucoup de lecteurs se reconnaissent en lui. 

En quoi le nom d’Eddy Bellegueule est douloureux pour lui ? 

C’est son nom de départ, son nom de jeune homme. Le nom d’un passé dont il a voulu se défaire. En quelques années, il a changé de nom, comme il a transformé son corps, ses habitudes, ses amis, ses projets. Il n’a cessé de se transformer, et c’est le thème de mon film. 

Que représente la ville d’Amiens pour Edouard Louis ? 

C’est la ville où s’est jouée en quelques années le cœur de cette transformation. Il est arrivé à Amiens pour le lycée, sortant de son village picard et d’un milieu familial sous-prolétarisé. Il en est reparti quelques années plus tard pour se construire une nouvelle vie à Paris, comme intellectuel et écrivain, avec une forte reconnaissance et même une certaine gloire. Amiens est le grand tournant, le point d’articulation de ses vies successives. C’est pourquoi j’ai voulu situer mon film dans Amiens durant ces années-là. 

Est-ce que vous même à travers ce film, vous avez été ému par son témoignage ou appris des choses sur lui que vous ne saviez pas ? 

Je connaissais déjà ses idées. Mais j’ai été ému par la manière dont il les a exprimées au tournage. Le film est devenu une expérience sensible. Edouard Louis formule avec son corps, avec ses gestes et ses regards, une pensée très fine, souvent complexe. Il fait vivre physiquement ses livres devant nous. 

Edouard Louis, ou la transformation, un film de François Caillat, documentaire, 72 min, France. Distribution : Outplay Films.