
« En finir avec Eddy Bellegueule » de Edouard Louis
Premier roman d’un jeune homme de 21 ans, à la fois intime et très social, En finir avec Eddy Bellegueule était un des livres marquants de la rentrée d’hiver. Session de rattrapage.
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Grandi dans les années 1990 dans une famille ouvrière du Nord de la France; le jeune Eddy porte un nom de famille pas facile “Bellegueule”. Et le fait qu’il parle et bouge de manière maniérée et précieuse dès l’enfance le met aux prises avec les pires injures de la part de ses camarades de classe. Dans un milieu où être un homme c’est se casser le dos à l’usine, manger des frites et de la viande, piquer des gueulantes, être raciste, boire de la bière et, parfois, pour faire bonne mesure, battre sa femme, la silhouette frêle du jeune-homme est très mal perçue. Même ses parents s’inquiètent, et ce vers huit ou dix ans.
Dans un style absolument classique et aérien, Edouard Louis revient sur un véritable martyre. Le contraste est absolument saisissant. Et le contenu d’une maturité déroutante. A la manière d’un tableau de Ensor, il décrit un milieu touché par la pauvreté et qui n’a pas les moyens de ne pas reproduire d’effroyables et dangereux clichés. Dédié à Didier Eribon, commençant par une citation de Marguerite Duras, le roman fonctionne en deux parties : “La Picardie” et “L’échec et la fuite”. D’où qu’on vienne socialement, cette histoire de survie d’une âme sensible confrontée au son ininterrompu de la télévision du salon, ne peut pas laisser insensible. Un magnifique roman, d’une terrible gravité.
Edouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule, Seuil, 224 p., 17 euros. Sortie le 2 janvier 2014.
Visuel : (c) couverture du livre