Cinema
Festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand : reprise des films primés au Forum des Images

Festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand : reprise des films primés au Forum des Images

17 February 2020 | PAR Julia Wahl

Le Forum des Images a repris ce dimanche 16 février les films primés au festival de Clermont. L’occasion, pour les Parisiens qui n’ont pas pu se rendre en Auvergne, de découvrir le palmarès.

Compétition Labo : la couleur et ses contrastes à l’honneur

La journée a ouvert avec les films primés de la sélection Labo, qui a fait la part belle aux jeux de couleurs et de contrastes.

Tout d’abord, des œuvres reposant sur des couleurs fortes et saturées, comme Average Happiness, de Maja Gehring, court-métrage d’animation suisse nous emmenant dans un monde d’histogrammes, de courbes et de camemberts animés, qui chutent, s’étendent et débordent leurs cadres pour se muer en masses informes qui finissent par coloniser l’écran. Un bonheur de statisticiens ! Un travail sur les couleurs vives également dans le magnifique California on fire, de Jeff Frost, lauréat du Prix du Public, sur les incendies en Californie. Des jeux d’infinies variétés de jaune et de rouge qui donnent au paysage les aspects d’un tableau de Bosch, mis en évidence par un travail sur le rythme très saccadé avec lequel les photogrammes défilent sous nos yeux, à une rapidité qui permet de passer de la fluorescence des arbres en feu au très beau dégradé de gris des mêmes arbres, à présent calcinés.

Un Carnaval de couleurs qui s’oppose au noir et blanc des très beaux Freeze Frame, de Soetkin Verstegen, et Blessed Land, de Lân Pham Ngoc, rétrospectivement Prix spécial du Jury Labo et Mention spéciale du Jury Labo. Observons dans ce dernier les différentes nuances de clair et de blanc qui deviennent, par moments, presque fluorescents, et dans le premier tout un travail sur la transparence et l’opacité de la glace et du brouillard, selon un procédé revendiqué avec humour comme « the most absurd technique since the invention of the moving image. Through an elaborate process of duplicating the same image over and over again, it creates the illusion of stillness.1 »

Moins convaincants, toutefois, le Grand Prix du palmarès Labo attribué à Günst ul vandrafoo (Rafales de vie sauvage), de l’Espagnol Jorge Cantos et le Prix Festivals Connexion Région Auvergne-Rhône-Alpes attribué à Zombies, du Congolais Baloji, sur des sujets rebattus et sur lesquels ils n’apportent pas grand-chose de neuf : la découverte de la sexualité chez un adolescent réfugié pour Günst ul vandrafoo et notre asservissement aux smartphones et selfies pour Zombies. Une esthétique réaliste pour le premier, des allures de clip pour le second, qui ne parviennent pas à dépasser leur sujet.

Compétitions nationale et internationale : humour et sujets de société

On aurait en effet pu croire que les « films à sujet » étaient davantage l’apanage des compétitions nationale et internationale que de la Compétition Labo. De fait, nombreux furent les films de ces deux palmarès à être très ancrés dans des sujets de société : The Present, de Farah Nabulsi, sur les difficultés d’aller faire ses courses quand on est palestinien et que l’on a pour ce faire un check-point à traverser (Prix du Public, Compétition internationale) ; Mémorable, de Bruno Collet, sur la maladie d’Alzheimer (Prix du Public et Prix des Effets spéciaux) ; Clean with me (after Dark), de Gabrielle Stemmer, Prix Spécial du Jury, sur des femmes au foyer youtubeuses.

Les sujets de société évoqués sont cette fois dépassés par l’humour, parfois un peu noir, des films qui les traitent. Ainsi en est-il de Clean with me (after Dark) : par une simple recherche algorithmique et un montage ad hoc, sa réalisatrice parvient à mettre en crise le bonheur affiché par des « desesperate housewives » qui, des heures durant, étendent sur Youtube leurs secrets pour un ménage réussi. Humour également dans Mémorable, porté par l’animation en stop-motion de Bruno Collet et la voix faussement désabusée d’André Wims, qui joue de l’effet provoqué sur sa femme (la voix de Dominique Reymond) par ses pertes de mémoire, ou dans I väntan pa döden (En attendant la mort), de Lars Vega et Isabelle Björklund (Prix Canal + / Ciné +, compétition internationale), où un père, sur son lit de mort, évoque avec légèreté un triangle amoureux digne d’un Feydeau. Humour enfin dans Raout Pacha, d’Aurélie Reinhorn (Prix Canal + / Prix du Rire Fernand Reynaud), qui nous fait suivre deux jeunes hommes un rien inadaptés avec un comique à la fois absurde et régressif et, bien sûr, dans Olla, d’Ariane Labed, grand vainqueur du festival (il a raflé le Grand Prix de la Compétition nationale, le Prix Étudiant et le Prix de la Première œuvre de fiction SACD), qui nous fait suivre avec un regard décalé les malheurs d’une femme venue de l’Est européen vers la France grâce à un site de rencontres. La place de l’humour dans ces sélections n’a rien d’anecdotique puisque le dernier rapport du CNC sur le court-métrage (rapport Anne Bennet, 2015) mentionnait la sous-représentation de la comédie dans les courts-métrages français, au regard de la place que ce genre occupe dans l’économie du long-métrage. Le court-métrage d’humour serait-il enfin en train de gagner ses lettres de noblesse ?

Notons également ces belles découvertes que sont Da Yie (Bonne nuit), d’Anthony Nti, présent lors de la reprise au Forum des Images, qui nous fait suivre les aventures dans les nuits ghanéennes de deux enfants un peu trop intrépides (Grand Prix de la Compétition internationale), et Traces, de Sophie Tavert Macian et Hugo Frassetto, réécriture des peintures rupestres de l’Ardèche sous forme de film d’animation en noir, blanc et rouge (Prix du Meilleur film d’animation francophone SACD).

Outre Anthony Nty, auteur du beau Da Yie, Aurélie Reinhorn est venue présenter son film Raout Pacha, réalisé en Normandie lors du festival Situ avec les moyens du bord. De son côté, Bruno Collet, n’ayant pu venir récupérer ses prix lors du festival – il défendait alors Mémorable aux Oscars, excusez du peu –, est venu recevoir ses Vercingétorix et Prix des effets spéciaux.

Une journée chaleureuse, avec de véritables découvertes et trouvailles. Et, en avant-première, quelques scoops pour l’édition 2021 : le pays à l’honneur sera Taïwan et la rétrospective aura pour thème la danse.

1 : https://www.soetkin.com/

Visuel : © Susa Monteiro

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Julia Wahl
Passionnée de cinéma et de théâtre depuis toujours, Julia Wahl est critique pour les magazines Format court et Toute la culture. Elle parcourt volontiers la France à la recherche de pépites insoupçonnées et, quand il lui reste un peu de temps, lit et écrit des romans aux personnages improbables. Photo : Marie-Pauline Mollaret

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