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Festival de Gérardmer 2023 : Journée du 26 janvier 2023 : Une queue de cheval, deux fois de la brume et une belle-mère acariâtre

Festival de Gérardmer 2023 : Journée du 26 janvier 2023 : Une queue de cheval, deux fois de la brume et une belle-mère acariâtre

27 January 2023 | PAR Julien Coquet

Deux films en compétition (Piaffe et La Tour) et un film hors compétition (Domingo et la brume) nous ont moyennement convaincus. Revoir 2 sœurs de Kim Jee-Woon s’est par contre révélé être une expérience toujours aussi fascinante.

Notre journée s’ouvre par un premier film allemand signé Ann Oren. Piaffe s’inscrit dans une niche : les films consacrés aux bruiteurs, dont font partie Blow Out (1981) de Brian De Palma et Berberian Sound Studio (2012) de Peter Strickland. Eva (Simone Bucio, stellaire dans La Région sauvage d’Amat Escalante), bruiteuse, se heurte à des difficultés pour un clip publicitaire mettant en scène un cheval. Alors qu’elle multiplie les expériences, Eva prend conscience que son corps se transforme : une queue de cheval lui pousse… Autant dire qu’on y a cru au début, à cette étrange ambiance et à ces trouvailles à la limite du loufoque, d’autant plus que le travail sur le son est à la hauteur de celui effectué Eva. Pour autant, le film se désagrège rapidement pour devenir un produit typique que l’on imagine figurer dans une quelconque Berlinale. Tous les ingrédients du film d’auteur prétentieux sont là : lumières stroboscopiques, musique stridente, dix secondes d’intervalle entre chaque réplique, etc. Le propos sur le genre, s’il est intéressant sur le papier, se révèle trop explicité, en témoigne l’exposé laborieux d’un botaniste sur la sexualité des fougères. Avec de gros sabots, Anne Oren amène des scènes de soumission et de domination entre Eva et le botaniste. Subsiste un film arty qui a toute sa place dans les festivals, mais qui ne pourra trouver son public. « Jument tirai » de dire que nous avons passé un bon moment.

La principale différence entre Domingo et la brume et Piaffe tient au fait que le premier ne se révèle pas prétentieux. Las, le même sentiment d’ennui s’en dégage. Domingo, veuf, habite seul au milieu de la forêt tropical du Costa-Rica. Alors qu’une route se construit et que celle-ci doit passer par les terres de Domingo, ce dernier décide de résister. Déjà présenté l’an dernier à la sélection cannoise Un certain regard, Domingo et la brume intéresse pour son travail de l’image et son étrange atmosphère (assez simple lorsque tout est nimbé de brume). En effet, Domingo arrive à communiquer avec sa femme via cette fameuse brume : partir de chez lui, c’est risquer de perdre le seul lien qui le relie à la femme qu’il a aimé. Le problème est qu’Ariel Escalante Meza peine à insuffler un rythme à son histoire sans réelles péripéties, d’autant plus que la fin déçoit grandement. On suit longuement Domingo marcher dans la brume, de dos. Et la voix off de cette brume, déclamant de fausses questions philosophiques, nous installe dans la deuxième torpeur de la journée.

De la brume toujours, pour le troisième film en compétition que nous voyons, La Tour, de Guillaume Nicloux. Les habitants d’une tour se retrouvent confinés lorsqu’un brouillard opaque et meurtrier entoure l’immeuble. La claustration imposée révélera les pires faces de l’humanité. Guillaume Nicloux n’en est pas à son premier essai avec le genre : The End (2016) et Valley of Love (2015), entre autres, contenaient déjà des éléments fantastiques. Nicloux le dit lui-même : « Mon choc d’enfant spectateur est la peur. […] Être terrifié jusqu’à l’insomnie a guidé mon addiction cinéphile. » Tourné dans une tour désaffectée d’Aubervilliers, faisant penser à la nouvelle « Brume » de Stephen King (adaptée au cinéma en 2007 par Frank Darabont), La Tour n’est pas exempt de défauts : on doute que des habitants tiennent si longtemps coupés de tout, en toute autonomie, la direction des acteurs laisse parfois à désirer et certains retournements de situation sont quelque peu rocambolesques. Mais franchement, quelle foi aux codes du genre ! Nicloux pousse les curseurs à fond, arrivant à nous angoisser et à nous immerger, nous faisant revivre les heures sombres du confinement de 2020. Porté par une bande sonore très travaillée, La Tour tient son pari initial, « montrer les habitants d’un immeuble confrontés au néant », et c’est déjà très bien.

Dernier film de la journée avec le Grand prix du festival de Gérardmer en 2004 avec 2 sœurs de Kim Jee-Woon. Après un long séjour à l’hôpital, deux sœurs retournent dans la maison familiale. La confrontation avec la belle-mère se révèle violente, alors qu’une hôte invisible et indésirée semble se déplacer dans la maison. Présenté dans le cadre de la masterclass donnée ce samedi 28 par Kim Jee-Woon, 2 sœurs est le plus grand film de la journée, sans aucune hésitation. Le réalisateur coréen cadre superbement, pense intelligemment sa mise en scène et son rythme (les moments de terreur !).

Piaffe d’Ann OREN, Allemagne, 2022, 1h26
Domingo et la brume d’Ariel ESCALANTE MEZA, Costa Rica & Qatar, 2022, 1h32
La Tour de Guillaume NICLOUX, France, 2022, 1h29
2 sœurs de Kim JEE-WOON, Corée du Sud, 2004, 1h55

Visuel : Image de La Tour de Guillaume Nicloux (2022)

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Julien Coquet

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