Arts

“Sur le motif” et “Charles Donker” à la Fondation Custodia : deux expositions qui nous invitent à mieux regarder ce qui nous entoure

06 December 2021 | PAR Blaise Campion

Du 3 décembre au 3 avril 2022, la Fondation Custodia propose deux expositions, pensées pour être complémentaires. Sur le motif, peindre en plein air 1780-1870, rassemble 150 études à l’huile de peintres sortis à cette époque de l’atelier à la rencontre de l’extérieur. Charles Donker, D’abord regarder, est consacrée à l’œuvre de l’aquafortiste néerlandais Charles Donker, qui travaille lui aussi sur le motif. Deux belles invitations à mieux observer et s’imprégner de ce qui nous entoure.

Sur le motif, peindre en plein air – 1780-1870

Exposée dès la première salle du parcours, la boîte de peinture portative de Camille Corot, décorée de petites miniatures de l’artiste, est peut-être l’objet qui résume le mieux l’esprit de l’exposition. Elle est un précieux vestige d’une pratique artistique de l’extérieur, qui émerge au XVIIIe siècle et se répand dans toute l’Europe au XIXe siècle. La peinture sur le motif, en plein air, s’impose en effet d’abord comme un exercice pour les peintres en formation, puis comme un symbole de la communion de l’artiste avec la nature. Les 150 études à l’huile réunies pour cette exposition sont le fruit de cette histoire et offrent au visiteur autant de paysages pris sur le vif. Les tableaux sont issus des collections de la Fondation Custodia, de la National Gallery of Art de Washington et du Fitzwilliam Museum de Cambridge. La collaboration de ces institutions a pour mérite de proposer une diversité remarquable d’œuvres et d’artistes de différentes nationalités : entre autres, Pierre-Henri de Valenciennes, Odilon Redon, Camille Corot, Auguste Bonheur, John Constable, William Turner, Christoffer Wilhelm Eckersberg, Vilhelm Kyhn…

L’autre force de l’exposition réside dans le choix judicieux de ses commissaires – Ger Luijten, Mary Morton et Jane Munro – d’avoir organisé le parcours en fonction du thème des tableaux, plutôt que de la chronologie ou des écoles artistiques. Les bords de mers succèdent ainsi aux arbres, avant que ne viennent les ciels, les nuages, les rochers, les ruines ou encore les volcans. Au cours de la visite, un constat s’impose : un même thème peut donner à une incroyable diversité de traitements par l’artiste. Les bords de mer peuvent ainsi être le lieu privilégié de la tempête, des eaux agitées se brisant violemment sur les rochers. C’est le cas dans les études d’Heinrich Reinhold, de François Gérard, ou de Carl Frederik Sørensen. Ils peuvent aussi être ce lieu calme et apaisant où l’homme se baigne dans la chaleur estivale, comme dans cette Côte rocheuse avec des baigneuses (1835) de Louise-Joséphine Sarazin de Belmont.

Le même principe se vérifie à propos des études de montagne, souvent paisibles et bucoliques, qui s’opposent aux flammes ardentes des éruptions volcaniques saisies sur le motif (quelle folie !), comme celle du Stromboli peinte en 1842 par Jean-Charles-Joseph Rémond. L’exposition offre au visiteur sensible au paysage de nombreuses sources d’émerveillement. On se sent plus d’une fois aspiré par la beauté de ce que l’on voit, à tel point qu’il semble presque possible d’entendre les bruits, de sentir les odeurs, de respirer l’air qui accompagnent les scènes représentées. Ces paysages sont à la fois d’un autre temps où la nature s’observait différemment, et toujours actuels parce que cette vision si attentive du monde alentour peut sans doute, par fragments, se retrouver.

Charles Donker – D’abord regarder

Charles Donker est précisément de ceux qui savent apprécier les paysages. L’artiste néerlandais, né en 1940 à Utrecht, travaille principalement sur le motif et comme le confiait Ger Luijten – directeur de la Fondation Custodia, commissaire de l’exposition et admirateur de longue date des œuvres de Donker – il a lui-même particulièrement apprécié l’exposition Sur le motif, peindre en plein air. Le lien entre les deux expositions est là, dans cette invitation à mieux regarder et s’imprégner de ce qui nous entoure : j’ai besoin de voir le ciel, d’entendre le bruissement des arbres, de regarder les oiseaux voler ou de ressentir le silence absolu de la nature” explique l’artiste.

D’abord regarder revient ainsi sur cinquante années de travail de Charles Donker, de ses eaux-fortes des années 1960 à ses aquarelles réalisées plus récemment un peu partout sur le globe (en France, en Espagne, en Équateur, au Pérou ou en Israël…). On voit ainsi évoluer ses œuvres dans le temps, à mesure que l’artiste évolue lui-même, ainsi que le matérialise plusieurs de ses autoportraits dont le plus récent date de 2019. Beaucoup de gravures représentent le bois qui borde l’atelier de Donker à Rhijnauwen aux Pays-Bas. Celles-ci dialoguent parfaitement avec les nombreuses études d’arbres de l’exposition précédente. Donker saisit ses paysages avec un remarquable sens du détail qui témoigne d’une fine observation, et nous les retranscrit dans l’atmosphère si particulière créée par la technique de l’eau-forte.

Les aquarelles réalisées par l’artiste dans les années 1990-2000, contrastent par leurs couleurs avec les autres œuvres de l’exposition. Elles font voyager le visiteur au sommet des Pyrénées, dans plusieurs pays d’Amérique du Sud, mais surtout dans des paysages qui évoquent volontiers un monde imaginaire. Le merveilleux côtoie ainsi le plus réaliste et l’exposition permet de bien appréhender tout l’univers artistique de Charles Donker. Celui-ci nous rappelle que le monde se laisse avant tout apprécier par ceux qui savent bien l’observer.

Visuels : © Fondation Custodia

En une : Jules Coignet, Vue de Bozen avec un peintre, 1837

Sur le motif : 1. Théodore Caruelle d’Aligny, Vue d’Olevano, 1827

2. Louise-Joséphine Sarazin de Belmont, Grotte dans un paysage rocheux

3. Jean-Charles-Joseph Rémond, L’Éruption du Stromboli, 1842

4. Johan Carl Neumann, Dunes de sable sur la plage de Skagen

5. Janus La Cour, Oliviers près de Tivoli, 1869

Charles Donker : 1. Autoportrait en anorak, 2019

2. Bois de Ridderoord, 2003

3. Jeune chouette hulotte, 1976

4. Forêt de nuages : arbres dans la forêt tropicale près d’Utuana, Équateur, 2003

Plus d’informations sur les expositions de la Fondation Custodia sont à retrouver ici.

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