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Le Val-de-Loire en pleine Renaissance

Le Val-de-Loire en pleine Renaissance

24 August 2019 | PAR Sabina Rotbart

 

D’Orléans à Blois en passant par Chambord ou par le Clos Lucé, toute la région fête la Renaissance et l’apport italien. Apport toujours vivant car le lien qui s’est instauré ici à la Renaissance perdure aujourd’hui .

 

Cinq cent manifestations en Val de Loire.

1515, tout le monde connaît, mais 1519, nous voilà perplexes….C’est pourtant l’année de la mort de Léonard de Vinci, au Clos Lucé, à côté d’ Amboise, où se trouve alors François 1er, son mécène. C’est aussi le moment où nait Catherine de Médicis, mère de trois rois de France et dont la fille épousera Henri IV. Elle mourra au château de Blois, à la fin du XVI ème siècle, qui est alors un des deux châteaux royaux. Un lieu où quelques années auparavant François 1er grandit ! C’est aussi le moment où la première pierre de Chambord est posée. Un moment clé, donc, dans le jaillissement créatif de la Renaissance, auquel répond cette année une autre effervescence, cinq cent manifestations distillées tout au long de l’année dans cette région rebaptisée autrefois Douce France.

Des rois sans domicile fixe

Découvrir la Renaissance en Val de Loire, c’est aller d’un château l’autre, car, à l’époque, les rois sont de vrais « sans domicile fixe «. Ils restent moins de trois mois dans les murs, soucieux de se montrer à leurs sujets. Tout leur « mobilier » (le mot vient de là, ce qui est mobile) est démontable, portatif, fait de tentures, de coffres et de tréteaux, les fouriers s’occupant à chaque fois de réaménager les lieux (exposition à Chambord, «  décor de la cour itinérante de François 1er » jusqu’au 31 décembre).

Des maisons dorées sur tranche

Pour découvrir ce territoire, gagner d’abord Orléans, ville dont le cœur historique recèle de ravissantes maisons à pan de bois restaurées récemment (les vilains crépis ont été dégagés, les pavages refaits à l’ancienne). Ceci pour comprendre les motifs architecturaux typiques de la Renaissance, une époque où l’on s’inspire de l’Antiquité, tentant d’imiter de mythiques Romains, garants d’un monde cultivé, aux antipodes d’un Moyen Age obscur. La vieille ville, restaurée en 2000, surprend par les coloris étonnamment vifs des façades à pans de bois, peints en jaune d’or ou en vieux rose ! Car à l’époque, le bourgeois, le orne son domicile d’une couleur qui évoque l’or, pour bien signifier sa richesse …

Où l’on voit le visiteur dévorer  de la géline à la rose

Pour mieux comprendre l’esprit du temps, goûter à un repas d’inspiration Renaissance, semble une idée plaisante. Comme au Lift, table réputée en plein centre d’Orléans, place de la Loire avec, bien sûr, une vue sublime sur le fleuve. Vous pouvez y gouter du thon à l’escabèche et une soupe de fruits aux épices de l’époque. Mais vous n’aurez tout au long du périple que l’embarras du choix car plus de cent restaurateurs se sont mobilisés pour offrir un menu au « gout Renaissance » aux quatre coins du Val de Loire (« Dégustez la Renaissance » sur le site www.vivadavinci2019.fr). Le cuisinier amateur peut d’ailleurs se lancer lui-même dans la confection de cette cuisine historique, car l’institut européen d’histoire et des cultures de l’alimentation de Tours, l’IEHCA, a édité un carnet de recettes dûment authentifiées.

Vous préférez la campagne profonde pour vos agapes historiques? Rejoignez au sud- Est du Val de Loire, près de Chenonceaux, un minuscule village, Ingrandes-de-Touraine, où un restaurateur, Vincent, cuisine les volailles d’autrefois, géline ou  pintade Perle noire. Il adapte les recettes d’un ouvrage culinaire édité au XVIème siècle. Savourer un blanc-manger de volaille aux amandes et pétales de rose peut transporter et pas seulement dans le passé (www.vincentcuisinierdecampagne. Blogspot.com).

 

Un bataillon de domestiques pour un seul dauphin

Ces ripailles délectables passées, il est temps de nourrir notre esprit. A Blois, où Léonard n’est jamais passé, mais où François 1er a grandi, qu’il adore et qui servira de pouponnière à ses sept enfants. D’enfants, justement, il est question dans l’exposition pétillante « Enfants de la Renaissance » qui leur est consacrée au château de Blois jusqu’au 1er septembre. www.chateaudeblois.fr).

Il faut l’entendre Elisabeth Latrémolière, cette conservatrice en chef du Patrimoine qui préside aux destinées du Château de Blois, une femme savante très pince-sans-rire, démêler le vrai et le faux sur l’éducation des enfants à la Renaissance. Non, les enfants royaux ne souffraient pas de ne jamais croiser leurs parents, car une maisonnée à leur service de 247 serviteurs s’affairait autour de 5 ou 6 bambins royaux. Rien d’étonnant quand la reine elle-même jouissait d’un entourage de 350 personnes ! On y voit comment princes et princesses, apprenaient tous les langues étrangères, la danse et la musique, pratiques de cour, étant obligatoires pour les deux sexes ! Seule, la géographie, science militaire, était interdite aux filles comme le port d’une armure d’entrainement. Le visiteur découvre des costumes de guerre minuscules, des petits soldats pas de plomb mais superbement harnachés et des dinettes auxquelles jouaient à l’époque les garçons.

Clou de l’exposition, mais là nous ne vous révèleront pas tout, le très fameux journal tenu par Héroard, précepteur du futur roi Louis XIII, sur la petite enfance du dauphin. Où l’on voit l’enfant s’intéresser de très près à la taille de sa « guillerette »…

La Fondation du doute, un lieu irrésistible

Toujours à Blois, La Fondation du doute, haut lieu du mouvement Fluxus, et donc endroit ludique en diable, montre pour la première fois au monde dans son intégralité Fandango, de Wolf Vostell, un artiste allemand (1932-1998) qui a rejoint le mouvement dans les années soixante mais en voulant le subvertir ! Car ses happenings à lui n’étaient pas participatifs, sauf exception, comme Yellow page or an action page, où il proposait aux participants de vivre pendant un mois rationnés comme durant la seconde guerre mondiale.

Créée pour la galerie milanaise fondée par Gino di Maggio, cet œuvre de « dé/collage », concept cher à l’artiste qui voyait dans l’objet sa ruine, «  si vous achetez une voiture, vous achetez l’accident » disait-il, est un environnement de portières de voiture désossées frappées périodiquement par un marteau destructeur (jusqu’au 10 novembre)

La Fondation du doute s’avère être un havre de joie, hautement recommandable aux enfants et aux vieillards en quête de renaissance, ce qui n’est pas si habituel… Le Café artistique est la bonne adresse à connaître, d’autant qu’il s’y donne des performances culinaires, sous la houlette d’un chef étoilé, Rémy Giraud (www.fondationdudoute.fr“>). En octobre, dans le cadre des «  Rendez-vous de l’histoire », une conférence est prévue là sur le thème de l’Italie

Au clos lucé, chez Léonard de Vinci

En quittant Blois, on rejoindra le Clos Lucé plus à l’ouest. Dans ce château  que François 1er offre à l’artiste en 1516, art et inventivité scientifique se montrent côte à côte. On y voit, une reconstitution de son atelier mais aussi les maquettes de ses inventions prémonitoires, comme son ornithoptère volant (www.vinci-closluce.com). Un « jardin de Léonard » s’y visite, inspiré des tableaux de l’artiste pour qui, dans la nature, tout était déjà là.

Léonard était scénographe et un peu aussi musicien (même s’il n’ excellait pas autant dans ce domaine). Sans doute, son esprit veillera-t-il sur deux manifestations à venir. « La Loire au temps de la Renaissance », un immense spectacle de bateaux à Orléans, le 20 septembre et du 27 au 29 septembre, le festival européen de musique Renaissance mené par Jordi Savall dans le parc du Clos Lucé. Enfin, pour nous reposer un peu de ce programme survolté, faisons un rêve, celui de dormir comme des rois ! C’est possible, à Chambord, par exemple (www.chambord.org) !

Sabina Rotbart

©chateau du Clos Lucé©léonard de Serres; chateau royal de BLois©Gillard et Vincent

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Sabina Rotbart
journaliste en tourisme culturel, gastronomie et oenotourisme. [email protected]

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