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Interview de Karim Tall, commissaire de l’exposition “Superheroes never die” au Musée Juif de Belgique

Interview de Karim Tall, commissaire de l’exposition “Superheroes never die” au Musée Juif de Belgique

29 January 2020 | PAR Katia Bayer

Le Musée Juif de Belgique présente Superheroes Never Die du 8 novembre 2019 au 26 avril 2020. Une exposition Organisée en partenariat avec le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme à Paris et le Joods Historisch Museum d’Amsterdam. Alors que le Musée se prépare à une refonte, Karim Tall, commissaire de l’exposition et spécialiste de la BD en Belgique, a répondu à quelques unes de nos questions.

Lire notre critique de l’exposition. 

 

Quelle place les journaux ont-ils accordé aux personnages présentés dans l’exposition du Musée ? Les histoires de super-héros étaient-elles publiées en fin de journal, s’agissait-il de suppléments ? Le succès a-t-il été immédiat ?
Superman a commencé directement à être publié sous forme de comic book (dans le « Action Comics #1 ») en 1938. Le succès est d’ailleurs quasi immédiat. Ce succès explique que la plupart des super-héros par la suite ont également été directement publiés sous forme de comic books (comme Batman peu de temps après, toujours chez DC Comics). Ces super-héros sont donc dès le départ scénarisés sous des formats d’une dizaine de pages.

Le succès de ces personnages se fait donc en premier lieu grâce aux comic books. C’est probablement ce qui explique en 1939, soit à peine un an après la publication du projet définitif de Superman, sa publication dans la presse, puis son adaptation dès 1941 en dessins animés de formats courts. Dans la presse, c’est souvent sous forme de suppléments du dimanche (une demi-page ou une page, parfois en couleur) que sont publiés des scénarios de super-héros (Superman, Captain Marvel…).

La BD dans la presse aux Etats-Unis d’ailleurs a toujours eu un fort but commercial (l’utilisation de l’image permettant de séduire également un public illettré). L’utilisation de comics trips (publication quotidienne d’une bande de quelques cases en noir et blanc) permettait d’encourager un achat quotidien de la publication et de fidéliser un public adulte. Les comics de super-héros paraissaient plutôt dans les suppléments du dimanche, quand le jeune public était alors ciblé.

Les super-héros à cette époque sont déjà populaires, mais ce sont plutôt des séries humoristiques ou à caractère pédagogique qui ont tendance à dominer le marché de la presse.

Le succès des super-héros s’est donc très tôt concrétisé grâce à la publication de nombreux comic books (le plus souvent de manière mensuelle) plutôt que via les journaux. Leur succès, en partie dû au caractère patriotique de certains personnages, s’estompera d’ailleurs pendant un temps, peu après la seconde guerre mondiale, pour laisser place à d’autres genres de comic books.

Y a-t-il eu aussi des échanges, des influences avec la BD européenne ? Y avait-il d’autres figures de super-héros sur notre continent ? A quel moment les personnages de Superman et autres ont été exportés, traduits, découverts chez nous ?
Concernant les échanges avec notre continent, le public européen découvre dans les années 30 la BD américaine dans ses journaux, le dimanche, avec des séries comme Zig et Puce mais surtout par la suite avec Mickey Mouse. Je pense qu’on peut (en partie) expliquer le choix de publication de ces séries par le fait que la BD dans la presse américaine s’est très tôt destinée aux adultes tandis qu’en Europe il s’agissait d’un médium bien plus réservé à la jeunesse. Les super-héros commencent à être traduits dans les années 40 dans des magazines comme Spirou ou l’Astucieux. Cependant, nous sommes alors en période de conflit et ces séries seront très vite censurées par l’occupant. Les quelques strips américains qui étaient édités dans la presse européenne disparaissent pour laisser place à des BD de propagande.

En Europe, notamment en France, je pense qu’on ne peut parler d’arrivée massive des super-héros qu’à partir de la moitié des années 60 avec la sortie d’un magazine consacré à Superman. Suivront à la fin des années 60 et début des années 70 les revues Fantask (un an à peine avant de fermer pour cause de censure), le périodique Marvel, très vite suivis de la revue Strange. Ce sont ces revues qui vont diffuser auprès d’une large audience les personnages de Marvel et de DC comics. Ces publications, qui rassemblent souvent plusieurs numéros américains en un seul ouvrage, permettent par ailleurs d’adapter le format des comic books aux attentes du lectorat européen.

Le personnage représenté dans la revue Mad a été récupéré par les nazis qui l’ont utilisé comme stéréotype du juif. Quelle est son histoire ?
Le personnage de Mad s’appelle Alfred E. Neuman (il a été créé par Harvey Kurtzman). Il est très vite devenu la mascotte du magazine, il apparaît sur la couverture du magazine dès le numéro 21. Ce principe d’un enfant au regard insouciant et au sourire béat (avec une dentition incomplète et des proportions de visage peu avantageuses) se retrouve déjà dans des publicités du début du 20ème, mais sera par la suite utilisé par les nazis dans leur propagande anti-juive.

Le personnage emblématique du magazine, à l’image de la ligne éditoriale de Mad, est quant à lui plus provocateur, souvent accompagné de la phrase « What, me worry? » que beaucoup traduisent par « Qu’est-ce que j’en ai à faire? ».

visuels: Affiche /Superman © DC Comics / Maus  © Art Spiegelman

Infos pratiques

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Katia Bayer

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