Il Capitale, la lutte bien vivante du Kepler-452 au Kunstenfestivaldesarts
Un jour, au lendemain de la pandémie exactement, le collectif italien Kepler-452 se dit qu’il ne faudra pas oublier les accès totalitaires des deux années précédentes. Il se chauffe et décide de monter Le Capital de Karl Max, et leurs recherches les ont amenés à rejoindre la grève de l’usine GKN à Campi Bisenzio.
Le titre exact du spectacle est Il Capitale. Un libro che ancora non abbiamo letto, en français, Le capital, un livre que nous n’avons pas encore lu. Et c’est vrai que c’est un morceau, 1126 pages, écrit petit et un peu ampoulé. Gosselin s’y est collé, mais lui, il aime les temps très très longs! Bref, nous voici à l’usine et au départ, on a la sensation d’être face à du théâtre un poil daté, très ancré dans les esthétiques européennes du début du siècle. Il n’en est rien. Là encore, le réel frappe à la porte, ou plus précisément aux grilles de l’usine. Nous sommes le 9 juillet 2021, c’est la date de la première AG et, aujourd’hui 4 juin 2023, quand nous écrivons ces lignes, le piquet de grève est toujours planté. La veille, tous les salarié.es ont été “viré.es par mail”. La honte. Nicola Borghesi pensait venir récolter des sources pour son spectacle mais cela ce n’est pas passé comme prévu. Il s’est fondu dans la lutte, et Il Capitale est devenu une pièce documentaire “un peu romancée” sur cette grève superbe. Le décor est fait d’un rideau d’usine, de “colox” et d’éléments de mécaniques aux noms romantiques. Vous saviez ,vous, qu’il y avait des “arbres” dans les voitures ?
Au fur et à mesure que nous entrons dans le récit, on comprend que personne ne joue, que tout ce que l’on voit est vrai, que ce sont les ouvriers et les ouvrières qui nous parlent. Kepler-452 nous dévoile à nous, les bourgeois et les nantis du théâtre subventionné la lutte et la précarité en pleine face. C’est violent ? Non. C’est fin et drôle, avec des pointes de comedia à l’italienne faites de réflexion sur des recettes qui se transmettent “de père en fils”. Lorio, Tiziana et Felice nous racontent en saynètes qui auraient pu être complétement inventées tellement elles sont fortes, leur combat et leur dilemme : maintenant le temps a du sens, la dignité est retrouvée, le collectif existe, les grévistes sont des ami.e.s, plus, une famille. Alors, retourneront-ils travailler ? Est-ce que l’usine fermera pour devenir autre chose ? L’avenir le dira.
Ce qui est sûr c’est que Kepler-452 a fait flotter un vent de révolution dans le théâtre des Tanneurs. On a rarement vu un public entier saluer le poing gauche levé. Peut-être que personne ou presque n’a lu le Capital de la première à la dernière page, mais tout le monde en a ressentit la force pendant ce magnifique spectacle qui, on l’espère, arrivera vite à Paris ! Pour suivre l’évolution de cette grève dantesque qui dure depuis 22 mois : https://www.facebook.com/coordinamentogknfirenze
Il Capitale © Luca Del Pia