Politique culturelle
Quinze Centres Dramatiques Nationaux assignés en justice : “un coup de traître” selon la présidente du Syndeac

Quinze Centres Dramatiques Nationaux assignés en justice : “un coup de traître” selon la présidente du Syndeac

10 January 2017 | PAR Léa Sanchez

Le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) et quinze Centres Dramatiques Nationaux (CDN) sont assignés en justice depuis près d’un an par plusieurs organisations syndicales dénonçant un “déficit considérable” du volume d’emploi des artistes-interprètes  imposé aux CDN. Pour le Syndeac, la procédure met en danger les théâtres nationaux concernés.

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“Un coup de traître”. Face aux journalistes conviés à la conférence de presse du lundi 9 janvier 2017, à la veille de l’audience devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, Madeleine Louarn ne cache pas sa colère. En décembre 2015, le Syndeac (Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles) qu’elle préside depuis 2013 et près de la moitié des Centres Dramatiques Nationaux ont été assignés en justice par le SFA-CGT, rejoint par la suite par d’autres organisations syndicales.

Au total, 8 millions et demi d’euros sont réclamés par les syndicats d’artistes interprètes. Une somme qui pourrait, selon le Syndeac, forcer certains CDN à mettre la clé sous la porte. “Le provisionnement de cet argent-là peut très vite nous mettre en difficulté”, insiste Arnaud Meunier, directeur de la Comédie de Saint-Etienne. En cause dans le conflit : un accord datant de 2003, qui remplaçait suite à un premier litige le précédent accord de 1975 sur le volume d’emploi des artistes interprètes en activité de plateau.

Jointe par téléphone, la directrice-adjointe du Théâtre du Nord Nathalie Pousset explique que ces “activités de plateau” recouvrent les heures de spectacle et de répétition, dès lors que les artistes interprètes sont salariés. L’accord de 2003 prévoit que “le nombre d’heures annuel des artistes directement employés par le centre dans [ces] activités de plateau” doit atteindre 100 mois de salaires (à l’exclusion du directeur) et “au moins 25% du nombre d’heures travaillées par les personnels administratifs et techniques en moyenne annuelle sur trois ans”. Il doit également correspondre à 40% du budget artistique du CDN, les salaires issus des co-productions  étant par exemple moins valorisés. 

Un accord dénoncé par le Syndeac comme vétuste et absurde

Selon le Syndeac, l’accord “a toujours posé problème”, ne tenant pas compte de l’évolution et du contexte du milieu, de l’intermittence et de l’essor des compagnies indépendantes. L’organisation dénonce en outre le calcul par des ratios, qui favorise les productions internes propres à chaque CDN au détriment de l’accueil de spectacles, de l’organisation de festivals, etc. “Les catégories de salariés sont opposées” entre elles, relève également Benoit Lambert, directeur du Théâtre Dijon-Bourgogne qui met en avant un quota “difficile à tenir” en raison de la stagnation des moyens des Centres Dramatiques Nationaux. “L’ensemble de l’accord ne prend pas en considération la demande du ministère de la Culture de partager l’outil et de privilégier les écritures contemporaines dont les distributions sont de fait moins importantes”, mentionne de plus le Syndeac.

Si l’accord persiste malgré tout depuis un peu plus de treize ans, c’est parce que cela impliquerait de “remettre en cause toute la convention collective”, assure le syndicat. “C’est un bouton nucléaire qu’on utilisera si nécessaire”, ajoute Madeleine Louarn. Mais pour l’instant, le Syndicat informe qu’il voudrait pouvoir discuter des perspectives qui s’offrent aux CDN “sans l’intermédiaire de nos avocats”. “Le risque réel, il est purement et simplement le dépôt de bilan”, avance l’un des directeurs de CDN.

“La situation n’était plus tolérable” selon le SFA et la CGT

Les sommes demandées pour le non-respect de l’accord de 2003 vont d’environ 125 000 euros à près de 900 000 euros selon les théâtres. A cela s’ajoute une astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter du trentième jour suivant la jugement. Le SFA (Syndicat Français des Artistes-interprètes) – CGT dénonce en effet dans un communiqué “plusieurs centaines de milliers d’heures” ayant manqué ces dernières années “aux comédiennes et comédiens vivant dans notre pays, soit plus de 4500 mois de travail (1 an de travail pour 375 comédiennes et comédiens) !”. 

Face aux risques de fermeture mis en avant par le Syndeac et certains directeurs de CDN, le syndicat s’insurge : “Ils prétendent que des entreprises seraient menacées de fermeture et que les personnels technique et administratif risquent d’être licenciés suite à notre action en justice. Pourtant ils n’ont pas attendu l’assignation, cela fait longtemps que nombre de CDN externalisent de nombreux postes et services et demandent aux salariés de faire autant avec moins de moyens, appliquant une politique qui ressemble fort au libéralisme qu’ils dénoncent par ailleurs” 

Sortir de l’impasse ?

Le conflit a commencé début décembre 2015. Aujourd’hui mardi 10 janvier aura lieu l’audience dite de clôture et sera fixée la date de l’audience de plaidoirie. “Nous sommes dans une situation d’impasse”, avance Madeleine Louarn qui explique que l’Etat a été contacté. Mais “il est resté bien silencieux et peu présent” jusqu’alors, dénonce la présidente du Syndeac.

Pour l’organisation patronale, “dans cette année électorale majeure dans notre pays, la responsabilité prise par les syndicats de salariés de s’en remettre au prétoire plutôt qu’à la négociation est immense”. Elle souhaite que “la procédure actuelle soit au moins suspendue (…) afin d’engager de nouvelles discussions et apporter des solutions acceptables pour toutes les parties”, dans cette année anniversaire de l’attribution, en 1947, du premier label de “Centre dramatique national”.

Visuel : ©LS

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Léa Sanchez

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