La soirée culture(s) contre la haine : humour, joie et bonne humeur
Ambiance festive lundi 2 décembre, au théâtre du Rond-Point à Paris, où se tenait la soirée “contre la haine” organisée par la ministre de la Culture Aurélie Filippetti et le directeur du théâtre, Jean-Michel Ribes.
Sur place, une pléiade d’artistes se sont relayés sur scène hier, manifestant leur soutien envers Madame Taubira après les insultes racistes dont elle a été victime ces derniers mois.
La quarantaine d’artistes, d’écrivains, et tout ceux qui savent jongler avec les mots de la langue française étaient présents afin de rappeler que la France est un grand pays doté d’une culture complexe, riche de ses différences et de ses contrastes, de ses tentatives et de son audace joyeuse, qui, comme le disait Aragon, creuse chaque jour des galeries vers le ciel.
Sur scène, deux graffeurs, Hopare et Marco93, peignaient sans relâche tandis qu’étaient projetés sur écran géant les croquis réalisés en direct par les dessinateurs de Charlie : Hebdo Charb et Riss.
À 20h45, le maître de cérémonie Jean Michel Ribes arrive sur scène et scande les ténèbres dans un discours poignant et drolatique. Un silence significatif résonne alors dans la salle.
“Le discours de Dakar ? Ténèbres.
Le pain au chocolat ? Ténèbres.
Le refus du mariage pour tous ? Ténèbres.
La stigmatisation aveugle des Roms ? Ténèbres.
La sécurité culturelle du FN ? Ténèbres.
L’intégrisme religieux ? Ténèbres.
Les ignominies dont vous avez été, madame la Garde des Sceaux, victime ? Ténèbres.
On entendait à la radio, il y a quelques jours, que s’il y avait moins de taxes, il y aurait moins de racisme… Là jaillit soudain la fille aînée des Ténèbres : la bêtise incommensurable. Hélas on ne peut taxer la bêtise, car certains sont riches de cette monnaie ; en les imposant un tantinet, la dette pourrait peut être disparaître…”
Le ton est donné, c’est désormais au tour d’Aurélie Filippetti de témoigner son respect à l’égard de la Garde des Sceaux, qui, selon elle, manie et colore à la perfection la France et sa langue. « Une langue que tu sais faire résonner, vibrer dans toutes les enceintes de la république ; grâce à toi, nous nous sentons un peu plus grands, à chaque fois que nous écoutons un discours, tes beaux discours. »
Touchée, Madame Taubira remercie les organisateurs et le public sans qui cette soirée fraternelle et amicale n’aurait pas eu lieu. « Nous savons ce qui nous arrive collectivement, c’est bien pour cela que collectivement, solidairement, nous nous redressons, parce que nous savons quels risques sont contenus dans les agressions qui se sont permises récemment et de façon récurrente de s’exprimer au grand jour et sur la place publique. »
Lucide, elle achève son discours, climatérique.
« On sait bien que la littérature et les différentes expressions artistiques ne peuvent pas changer le monde, mais elles peuvent changer les individus en s’insinuant dans leurs pensées, dans leurs sentiments, dans leur imaginaire et y installe le doute et la beauté. C’est pour cela que nous devons faire en sorte que les arts et la culture soient à la portée de tous. Nous allons continuer à nous battre contre cet hiver qu’ils veulent installer dans la pensée. Ces pensées et ces comportements mettent en péril la France toute entière. » L’émotion est palpable dans la salle.
Arrivent alors ces artistes de divers horizons, de toutes les générations et des représentants du monde culturel, gâtant de leurs talents les invités. Jacques Higelin, Yael Naim, Ayo, Guy Bedos, François Morel, Jeanne Cherhal, Kyan Khojandi, Gérard Jugnot.
Une soirée réussie, donc, pour contrer les malades de l’uniformité, ceux qui se crispent à l’idée que l’autre existe. Une soirée pour dire à ceux qui veulent crier, qui veulent hurler, qu’ils ne sont pas la voix de la France, qu’ils n’ont même aucune idée de ce qu’est la France dans son histoire, dans ses sociologies, ses cultures, son dynamisme, son effronterie aussi. Une soirée pour mettre un terme à ces cris de haine, rythmés par les plus beaux mots, ceux des artistes.
Après ce discours, Madame Taubira a été longuement ovationnée par le public. Cette soirée de gala, elle n’en était, dit-elle, que le prétexte : “La cause c’est l’humanisme.”
La France est le pays où le siècle des Lumières a jailli, rappelle Jean-Michel Ribes, et ces lumières ne sont pas près de s’éteindre. N’en déplaise à certains.
Visuels : © Clicanoo & terra femina