Théâtre

Serge Merlin illumine Thomas Bernhard

22 March 2010 | PAR Claire Linda

La scène du théâtre de la Madeleine donne à entendre Extinction de l’auteur Thomas Bernhard, un texte rare au théâtre. Des 500 pages du livre, demeure un monologue dense de 80 minutes porté sur scène par Serge Merlin avec une force incandescente. Il profère le texte avec une impressionnante précision vocale, creuse dans la mémoire de l’écrivain, dans sa révolte, creuse dans ce texte enragé, creuse dans le passé de l’Autriche nationale socialiste.

« Bernhard dit qu’il faut que l’acteur casse la gueule à l’auteur et que l’auteur casse la gueule à l’acteur et que c’est seulement là que, peut-être, arrive l’art » Serge Merlin

Serge Merlin s’assied à une table où son texte est posé. Il élève la voix et à travers lui Franz-Josef Murau, le narrateur de l’histoire, surgit. Il est écrivain, vit à Rome et vient d’apprendre par un télégramme la mort de ses parents et de son frère dans un accident de voiture. Franz-Josef Murau s’est refugié à Rome pour mieux fuir sa famille, il est contraint à revenir « à l’origine », et à se faire héritier de Wolfsegg, un grand domaine dans les pré-Alpes autrichiennes.
En donnant toute l’ampleur à une sensibilité à vif, Serge Merlin, invoque les personnages de l’histoire comme l’oncle Georg, les deux sœurs au visage moqueur, une mère autoritaire, un père exclusivement passionné d’agriculture et de chasse, un frère vieux avant l’âge et les lieutenants-colonels SS. La description est féroce et sans appel. On retient la douleur dans la description de la Villa des enfants, souillée par la présence des amis « nationaux-socialistes » des parents pendant la guerre.
Serge Merlin incarne le récit du narrateur et s’approprie un immense monologue, brutal habité par une ironie clairvoyante qui tente de pulvériser, par sa colère la mémoire familiale. Le texte nous convie à une disparition, une extinction volontaire d’une mémoire sous la forme d’un récit libérateur. Et de réfléchir sur la fonction de la littérature comme d’un lieu de résilience et d’apaisement.
« Je suis en train de décomposer et de désagréger Wolfsegg et les miens, de les anéantir, de les éteindre, et en même temps je me décompose moi-même, je me désagrège, je m’anéantis, je m’éteins. En réalité, je ne fais rien d’autre que me désagréger et m’éteindre, lorsque je me réveille le matin, ma première pensée est de faire cela, de travailler résolument à ma désintégration et à mon extinction ».Thomas Bernhard

Texte magistral de Thomas Bernhard, Extinction, dans une adaptation de Jean Torrent, est présenté dans une forme épurée dont la réalisation est de Blandine Masson et Alain Françon.
Le Théâtre de la Madeleine accueille, en partenariat avec France Culture, Extinction prolongations jusqu’au 30 Mai 2010 tous les mardi, mercredi, jeudi, vendredi à 19h00 et les dimanche à 18h00.
Théâtre de la Madeleine 19, rue de Surène, 75008 Paris
location au théâtre 01 42 65 07 09
Renseignements ici

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Claire Linda

2 thoughts on “Serge Merlin illumine Thomas Bernhard”

Commentaire(s)

  • Karnimata

    Redoutable retour

    Dans la manière qu’a Serge Merlin d’aborder le texte de Thomas Bernhard, il y a quelque chose de particulier, liée à sa tendance à la vocifération, éloignée de son approche d’un texte comme “Le dépeupleur” de Beckett. Vocifération se présentant moins comme une volonté d’affirmation d’un caractère – imposer une puissance ravageuse qui balaie tout – que débordement incontrôlé lié à la confrontation avec une situation redoutée (le retour à Wolfsegg, le domaine honni). Dans cette extériorisation confinant au cri, il y a quelque chose de foncièrement régressif, un peu à l’image d’un enfant qui, atteint par la peur de franchir certains espaces, se déploierait d’autant plus en gesticulations, secousses et cris.

    April 1, 2010 at 10 h 00 min

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