Pop / Rock
[Interview] Forever Pavot : « envie que chaque chanson puisse être une scène d’un film »

[Interview] Forever Pavot : « envie que chaque chanson puisse être une scène d’un film »

13 October 2015 | PAR Pierrick Prévert

Les fameuses intempéries de La Route du Rock auront fait une victime : Forever Pavot. Originellement programmé pour jouer face à la mer sur la plage de Bon Secours, les trombes d’eau auront provoqué le déplacement du concert à la salle de La Nouvelle Vague. Nous le rencontrons à la fin du concert dans ses loges alors qu’il est encore sous l’adrénaline du concert. L’occasion de discuter de ses influences, de son style et du lobby musical toulousain…

Alors c’est toi qui as fait le frais des intempéries à La Route du Rock. Tu devais jouer à la plage et tu te retrouves à La Nouvelle Vague. Pas trop déçu ?

Forever Pavot : La plage c’est toujours génial et, en plus, comme c’est gratuit, je pense qu’il y aurait eu pas mal de gens, des itinérants qui seraient venus, des curieux qui auraient pu découvrir. Mais bon j’ai un peu de mal avec l’extérieur : le son n’est pas très agréable sur scène, ça part un peu dans tous les sens. Ça dépend des festivals ceci dit. Mais jouer face à la mer, c’est idyllique. A La Nouvelle Vague le son était vraiment nickel, et on s’est éclatés.

Pourtant il y aurait eu un gros symbole à jouer sur la plage : ça aurait été un an après Aquaserge qui ouvrait comme toi le festival sur la plage.

F. P. : Dans la lignée de mon maître ! Je me souvenais qu’ils avaient joué à la Route du Rock, mais je ne savais pas qu’ils avaient joué sur la plage, je n’y avais pas réfléchi.

Tu es très proche d’eux, tu ouvres d’ailleurs ton album avec « Electric Miami » du nom du studio d’Aquaserge…

F. P. : Oui, mais on ne la joue pas en live, enfin on ne la joue plus. C’est un hommage à ces gens-là. Ce sont ces gens qui m’ont donné envie de faire cette musique. Pour moi c’est le meilleur groupe français – voire du monde ! –, je les adore. C’est mes potos. On a une vraie histoire ensemble. Ma copine travaillait aux Trois Baudets, ils jouaient avec April March. Ils étaient backing band, ils jouaient avec elle et ma copine m’avait dit « Tu veux passer des disques après ? Je suis sûre que ça te plairait ». Je les connaissais pas du tout, j’ai vu le concert d’April March j’ai trouvé ça assez chouette. Je passais des disques et ils sont venus me voir. Je m’en rappelle, j’étais complètement ivre et ils m’ont dit « oh putain, c’est super ! ». Je passais du yéyé français, du Gainsbourg, des musiques de film et je me rappelle avoir donné mon mail, mais je l’avais mal écrit…

En fait on s’est revus deux ans après, car j’avais un groupe qui s’appelait Arun Tazieff et je leur avais proposé qu’on joue ensemble. Je les ai fait jouer à La Mécanique Ondulatoire, et là on a commencé à créer des liens, on a enregistré avec Arun Tazieff à Electric Miami, puis après j’ai joué avec Benjamin d’Aquaserge dans Hyperclean. On s’est rapprochés, j’ai fait les trois quarts du disque chez eux, j’ai vécu dans leur maison pendant six mois pour utiliser leur studio et vivre cette aventure de la campagne toulousaine ! Puis après on a des projets, on joue ensemble…

Vous avez des projets, c’est-à-dire, vous allez composer ensemble ?

F. P. : Benjamin d’Aquaserge, qui est le guitariste, joue parfois avec Forever Pavot à la basse quand Maxime n’est pas disponible. Aussi, on a fait un ciné-concert cet été au festival du cinéma de La Rochelle. Il y avait juste avec le guitariste, Antoine et moi, et tout Aquaserge. Une résidence de deux jours, on a joué sur des films de Louis Feuillade, des vieux films des années 20. On a vraiment créé la musique, on a repris des thèmes de Forever Pavot et d’Aquaserge qu’on a mélangés et qu’on a créé sur l’image et ça c’était génial. On va essayer de le refaire.

On a vraiment l’impression que ce que tu fais est souvent marqué la vidéo…

F. P. : Pas vraiment, on me le demande souvent. Je ne sais pas si t’as vu mes clips, mais ils sont très « second degré », très burlesque, humour british. Alors que Forever Pavot c’est très premier degré. C’est deux univers différents, mais ce qui rejoint c’est sur la décoration, une direction artistique, qui est assez vintage, assez 60, 70…

Et cette période, c’est ton truc.

F. P. : Mes maîtres des films, c’est les Monthy Python ou Jacques Tati, donc c’est cette époque-là. Donc c’est lié, plus ou moins, par mon goût du cinéma. Mais si je suis venu à la musique de films, c’est probablement plus par le hip-hop. J’écoutais beaucoup de rap, Madlib, MF Doom, la Scred Connexion, NTM, Assassin, même Lunatik ou les premiers Booba que j’aimais beaucoup… Et je faisais du sample. Et tous ces groupes-là sont à la recherche de musique de films obscurs. Wu-Tang sample des musiques de films, de la soul, des années 60. J’ai recherché des samples et au final je me suis rendu compte que je n’aimais pas que les boucles qui étaient utilisées, mais tous les morceaux. Et du coup je me suis dit : j’ai envie de jouer cette musique.

T’as une production super léchée, très cinéma, très studio. C’est pas trop dur à jouer en live ?

F. P. : Ah si, surtout que sur le disque c’est moi qui joue tout en plus… On retranscrit, ce que je dis, ce que j’explique et souvent c’est assez différent : plus rock, plus live, plus punk même parfois. On réarrange les morceaux. Arnaud qui est multi-instrumentiste joue des percus, de la flûte traversière et de la guitare dans le live. Il reprend certains bouts, d’autres sont remplacés par la guitare… Ca ressemble à l’album, mais le côté très typé : enregistrement sur bande, compression, le son des instruments c’est assez dur à retranscrire. Au début j’avais du mal, je voulais que ça sonne comme l’album, puis en fait non je veux juste m’éclater avec mes potes sur scène.

Ton album est très typé, sur ces sonorités très années 60-70. C’est parce que c’est ton son, ou si ça pouvait être d’autres instruments, tu essaierais ?

F. P. : J’ai envie que chaque chanson puisse être une scène d’un film. On me dit « ah c’est marrant, ce morceau on dirait une course-poursuite » ou encore « ah, celui-là on dirait que c’est une scène de crime ». J’adore cette idée-là de pouvoir donner des images avec du son. C’est ce que j’aime dans la musique, tu t’imagines d’être dans un lieu, ça te transporte, que ça te fait voyager.

On pourrait donc imaginer un Forever Pavot « film de S.-F. » ou tu vas continuer avec cette sonorité vintage ?

F. P. : Pourquoi pas ! Là le prochain album que j’ai composé est déjà plus français. Il y a un vrai truc que j’essaie d’avoir en live, plus que sur le disque, cet héritage de la musique française qu’on a et pour lequel on a tendance à dire « il n’y a rien eu ». Mais si ! En arrangeurs, en musique de films, ou même la pop 60’s obscure française, il y a des choses fantastiques. Même la langue française, au début je disais « non non ! », alors que j’ai de plus en plus envie d’écrire en français. Les trois quarts de l’album, ce sera en français. Ce sont les Aquaserge qui n’ont pas arrêté de me dire : « arrête l’Anglais, t’es un Français ! »

Et pourtant au début tu ne posais pas beaucoup ta voix.

F. P. : J’adore la musique instrumentale. Il y a plein de raisons. Mais au début je n’assumais pas ma voix, j’étais quelqu’un de très timide, la musique me guérit énormément. Puis je suis pas très bon en anglais et je suis non plus très littéraire, je ne pense pas avoir une très grande plume. Au fur et à mesure, je l’assume, je mets moins d’effets sur ma voix, je la cache moins. Mais des chansons comme Joe & Rose ou le Cygne et le nénuphar, ma voix est plus en avant. On comprend presque ce que je dis ! (rires) J’ai joué un des nouveaux morceaux ce soir, complètement écrit en français, je me force, j’articule, je mets en avant ma voix parce que je raconte une histoire et je veux que les gens la comprennent.

Une question pour les collègues de Toute La Culture, tu as un bouquin sur ta table de chevet ?

F. P. : Je lis en ce moment un bouquin sur le grand banditisme aux Etats-Unis, à l’époque de la prohibition, que je commence tout juste.

Ils avaient la classe à l’époque…

F. P. : Oui ! (rires) Ils étaient trop beaux, les chapeaux, les costumes trois pièces ! Mais je ne suis pas très littéraire, je dois lire deux ou trois bouquins par an. C’est un bouquin, je ne me souviens pas du titre, je l’ai choppé dans un Emmaüs… De manière générale, je ne suis pas très roman, je préfère les biographies d’artistes ou les bouquins de geek sur le matos. Mais la musique, c’est quelque chose qui me hante. Je passe mes journées à écouter des morceaux et mes nuits à en chercher.

Et côté ciné, tu as un DVD que tu regardes ?

F. P. : Le dernier film que j’ai vu c’est Réalité de Quentin Dupieux que j’ai trouvé assez chouette. Et aussi Love & Mercy sur Brian Wilson que j’ai aussi trouvé chouette. Le dernier film qui m’a mis une gifle… J’ai bien aimé Burning Man, j’ai trouvé ça assez fort. Techniquement c’est fantastique et les plans séquences interminables c’est du génie. J’aime bien les films où je ne comprends pas tout, ou je me pose des questions. Et là, il y a un côté film dans le film qui est assez chouette.

Et pour finir, le groupe qui te semble honteusement méconnu et dont tu souhaiterais faire la promo ?

F. P. : Aquaserge ! (rires). Mais ils ne sont pas méconnus, maintenant ce sont des stars, des grandes stars de la télévision ! Non, sinon, je dirais Eddy Crampes, un chanteur toulousain pas très connu car il a sorti très peu de choses. Il m’a réconcilié avec la langue française et la chanson française. Il a enregistré son album à l’Electric Miami, je t’invite à l’écouter. C’est la chanson française que j’aime.

Tu fais la promo du lobby toulousain en fait ?

F. P. : Non mais c’est ça ! Je ne sais pas pourquoi à Toulouse ils s’enferment dans leur truc, ils n’arrivent pas à… Justement, c’est parce qu’ils ne sont pas superficiels, pas à fond dans la com’.

Sinon, il y a un autre groupe que j’adore et je n’ai pas l’impression que ce soit super connu, c’est Chris Cohen. Il a sorti un album en 2012, je n’en avais jamais entendu parler. Il jouait dans Deerhoof, c’était un des guitaristes. C’est dans la lignée des Brian Wilson, un peu psyché, mais surtout folk, pop et alambiqué dans tous les sens. J’adore la production, tu entends la pièce, les pas, les gens…

Forever Pavot, Rhapsode, 2014, Born Bad Records, 39 min.

En concert le 28 octobre au festival Les Primeurs de Massy & le 24 novembre à La Maroquinerie (on vous fait gagner des places)

Visuel : (c) DR

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Pierrick Prévert

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