Le miracle Pygmalion se reproduit à Royaumont
Samedi dernier, Raphaël Pichon et son ensemble Pygmalion jouaient à Royaumont, lieu qu’ils connaissent bien puisqu’ils y sont en résidence depuis 2013. Nous avions déjà assisté à leur concert lors du festival de l’an passé autour de Bach. S’il y a un an, l’adjectif “divin” qualifiait l’excellence de cet ensemble, nous n’avons pas peur d’affirmer que le miracle Pygmalion s’est reproduit lors de ce nouveau concert intitulé “Stravaganza d’Amore!” autour d’intermedii italiens.
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La soirée imaginée par Raphaël Pichon s’organisait en quatre parties. La première, intitulée “All’imperio d’Amore”, débute par la Toccata – La Renucci de Fantini. C’est alors une véritable claque que prend le public face à l’orchestre, la direction, et le choeur composé de 26 chanteurs auxquels s’ajoutent 7 solistes. Le ton de la soirée est donnée et l’ensemble Pygmalion ne laisse plus la place au perfectible dans la première partie : tout est déjà parfait. Difficile d’imaginer comment chacune de la vingtaine des pièces pourrait être améliorer. L’acoustique de l’abbaye est maîtrisée depuis longtemps, l’ouverture est magistrale, la soprano Deborah Cachet nous emporte elle aussi, la prononciation tant du choeur que des solistes est tout simplement excellente (un adjectif que l’on ne peut décidément plus détacher de Pygmalion),… L’équilibre entre les choristes, les solistes et l’orchestre est parfaitement maintenue par un Raphaël Pichon à la direction toujours aussi intense, ce que l’on peut voir dans la tension toujours impressionnante des muscles du chef, dont les jambes tremblent même parfois. Que cela n’induise cependant pas en erreur : si le chef dirige du bout des pieds jusqu’au bout des doigts, le rendu est fluide et la douceur sait aussi être au rendez-vous.
Lors d’Ineffabile ardore a 6 de Giulio Caccini, le choeur opère un mouvement assez important pour se déplacer, donnant l’impression d’un bal avec la musique entraînante et rendant la soirée d’autant plus vivante. A la fin de ce premier intermède, certains chanteurs se placent dans la salle pour “Stravaganza d’Amore”. Le second intermède se est quant à lui divisé en trois sous-partie et tourne autour du thème d’Apollo et de Dafne et poursuit dans la même excellence que le premier avant de laisser place à l’entracte. Il faudrait alors être de bien mauvaise foi pour trouver ici quelque chose à redire.
La seconde partie est elle aussi axée autour de deux intermèdes, le premier étant sous le thème de “Lagrime d’Orfeo” et suivant l’histoire à travers divers compositeurs : Lorenzo Allegri, Jacopo Peri, Giulio Gagliano, Guilio Caccini ou encore Luca Marenzio. Si l’on ne peut à nouveau rien dire sur la technique et le rendu de ces oeuvres, peut-être peut-on dire que le choix de la programmation, certes intelligente et logique puisque suivant le mythe (qui avait tant réussi à Pygmalion dans la version de l’opéra de Rossi), apporte malgré tout un certain frein à la soirée, aussi léger soit-il. En effet, le tempo de la quasi totalité des oeuvres jouées alors est lent, l’atmosphère est assez douce, calme, parfois lourde lorsque vient le temps de l’enfer, mais rien ne permet au public de l’aider à rester éveiller et alerte après un entracte et à une heure qui commence alors à être tardive. La soirée finit toutefois par un dernier intermède intitulé “Il Ballo degli Amanti” qui ramène un tempo plus rapide et clôt la soirée sur une note plus festive et une dernière claque de fin, nous ramenant à celle du début.
Non, vraiment : le miracle Pygmalion ne souffre d’aucune faiblesse.