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[Critique] “States of Grace”, magnifiques états de grâce

[Critique] “States of Grace”, magnifiques états de grâce

15 April 2014 | PAR Olivia Leboyer

83

Récompensé au Festival de Locarno (Meilleur Film et Meilleure Actrice), acclamé au Festival de Deauville, States of Grace est un film emballant, plein de vie. A voir absolument !

[rating=4]

Avant de devenir cinéaste, Destin Cretton a enseigné dans un foyer pour adolescents en difficulté. De son expérience, il a tiré un court-métrage, transformé en long-métrage, Short-Term 12, et baptisé States of Grace pour sa sortie en France. Grace (Brie Larson), c’est une jeune éducatrice, pleinement investie dans son métier. En couple avec un autre éducateur du centre, le charmant et très cool Mason (John Gallagher Jr.), elle n’est pas libérée de ses vieilles peurs et n’envisage pas facilement l’avenir. Aguerrie, ferme, Grace communique bien avec les jeunes dont elle a la charge. Parmi eux, certains ont réellement du mal à s’adapter, comme cet adolescent roux sujet à des crises de panique aiguës qu’il faut maîtriser et empêcher de fuir. Marcus (Keith Stanfield), qui va bientôt fêter ses dix-huit ans, stresse à l’idée de se trouver confronté au monde extérieur. Le temps d’un rap très émouvant, il se livre, exposant ses douleurs passées. Pudiques, fermés, les jeunes parviennent à s’ouvrir de manière indirecte, grâce à l’art : une chanson, un conte, et il devient possible de parler de ces traumatismes que l’on ne peut nommer frontalement.

Le personnage central, Grace, possède aussi sa part d’ombre : sa vocation d’éducatrice spécialisée, elle la doit à son enfance saccagée. Le jour où Jayden, une belle jeune fille très agressive, arrive au centre, Grace se reconnaît. Destin Cretton filme avec sensibilité ces instants de partage ou d’incommunicabilité, ces terreurs sourdes, ces déracinements et ces attentes immenses. L’humour, la dérision, permettent d’établir un équilibre précaire entre les éducateurs et les jeunes. Beau regard grave et sourire lumineux, Brie Larson fait passer toutes sortes d’émotions. Vive, nerveuse, la caméra suit, au plus près, les adolescents blessés. Face à eux, les éducateurs se révèlent presque aussi fragiles, aussi perdus. Comment convertir ses plaies en forces, c’est toute la question.

Nous avons vu récemment plusieurs films très réussis sur les blocages du système éducatif : Entre les murs de Laurent Cantet, Nous, Princesses de Clèves de Régis Sauder, La cour de Babel de Julie Bertuccelli. Ici, comme avait pu le faire Abdellatif Kechiche avec L’esquive, nous quittons le mode documentaire pour le terrain de la fiction, réaliste et romanesque.

Un très beau film, revigorant et fort.

States of Grace (Short Term 12), de Destin Cretton, Hawaï, 1h12, Brie Larson, John Gallagher Jr., Kaitlyn Dever, Rami Malek, Keith Stanfield, Kevin Hernandez. Sortie le 23 avril 2014.

visuels: affiche, photo et bande annonce officielles du film.

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Olivia Leboyer
Docteure en sciences-politiques, titulaire d’un DEA de littérature à la Sorbonne  et enseignante à sciences-po Paris, Olivia écrit principalement sur le cinéma et sur la gastronomie. Elle est l'auteure de "Élite et libéralisme", paru en 2012 chez CNRS éditions.

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