Théâtre

Une Nuit des rois virile et joviale aux Amandiers-Nanterre

28 November 2012 | PAR Christophe Candoni

Montée par la compagnie britannique Propeller dont le travail est exclusivement dédié à l’oeuvre de Shakespeare, La Nuit des rois, dans une adaptation et une mise en scène d’Edward Hall, est une tempête d’humour et de brio. Pour leur première française aux Amandiers-Nanterre, les comédiens anglais ont reçu une ovation.

Si dans la pièce, Viola, échouée en Illyrie, se déguise en homme et prend le nom de Cesario pour entrer au service d’Orsino et se fait passer pour un jeune jouvenceau auprès de la revêche Olivia de qui le duc est amoureux sans retour, le trouble causé par le travestissement est encore prolongé dans la version proposée par la compagnie Propeller puisque le rôle de la femme travestie y est tenu par un acteur, l’excellent et délicat Joseph Chance.

Rien d’étonnant car le parti-pris de réunir un casting intégralement masculin fait l’originalité de cette production. Edward Hall et ses acteurs s’amusent à reprendre la tradition de l’époque élisabéthaine où les femmes n’avaient pas le droit de se produire sur scène et leurs rôles étaient par conséquent distribués et interprétés par des hommes. Ils font de cette convention un terrain de jeu et de liberté indéniable et savoureux qui fait se multiplier les occasions de jouer avec les quiproquos, les troubles que provoque cette ambiguïté sexuelle.

Les comédiens très talentueux se livrent à des numéros d’acteurs formidables sans jamais céder pour autant à l’épate ou la complaisance. Ils n’ont pas besoin de cela pour plaire. Plus que l’onirisme farfelu de la scénographie (des grandes armoires et une batterie de portes) et que la modernité de la mise en scène, remarquable de précision, c’est vraiment le jeu qui est au centre du spectacle. Acteurs-rois, ils jouent divinement bien, chantent et font de la musique, s’adonnent avec délice aux excès burlesques qu’offre la truculente comédie de Shakespeare comme ils servent avec finesse et un sens des contrastes les fêlures humaines des personnages.

Le spectacle est mené tambour-battant avec une malignité et une inventivité constantes, ce qui n’empêche pas un respect absolu du texte. Tout est plaisir sur le plateau où règnent une énergie joviale, une cocasserie irrésistible, une impertinence, une élégance et un bon goût bienvenus. Cette Nuit des rois, typique du théâtre anglo saxon, parfaitement ficelée, se livre facilement, ne renonce pas au grand spectacle mais éclaire le sens, est à la fois divertissant et intelligent, absolument jubilatoire pour le public qui s’y trouve à la fête.

 

Photos : Manuel Harlan

PIFFF au Gaumont Opéra, clôture et Silent Hill : Revelation
La mort subite d’Erik Izraelewicz, directeur des rédactions du Monde
Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration