
Au Festival d’Avignon, la noire et farce Tempesta d’Alessandro Serra
Le metteur en scène italien Alessandro Serra livre une version obscure et épaisse de La Tempête de Shakespeare esthétiquement hyper-léchée mais théâtralement surchargée.
Un voile de ténèbres s’élève et flotte dans les airs. Son mouvement, du plus bel effet, rappelle celui d’une mer déchaînée et finit par dévoiler un espace vide : l’île déserte sur laquelle a échoué Prospero est le plancher nu du théâtre lui-même. Il est le modeste tréteau où se joue une commedia dell’arte plongée dans l’opacité qui ne parvient pas à éclairer le mystère de l’ultime fable de Shakespeare aux accents aussi graves que légers.
Juste quelques mois avant de s’effacer comme les personnages de la pièce dont la vie est entourée de sommeil, Peter Brook donnait une dernière version de La Tempête de Shakespeare qui l’a accompagné toute sa vie. On y repense beaucoup devant la proposition d’Alessandro Serra qui voudrait justement s’inscrire dans une veine brookienne. Mais à l’éloquente et lumineuse épure du maître s’oppose la fausse simplicité d’une esthétique froide et ténébreuse, assez datée et vainement sophistiquée. Les images sont joliment inspirantes, déroutantes, imposantes. Mais il manque une vision qui associerait à l’imagination visuelle de l’artiste une vraie réflexion sur la pièce et ferait en sorte que la représentation puisse dépasser le simple attrait d’un grand tableau spectaculaire aux effets parfois pompiers.
Du côté du jeu, c’est encore plus surchargé. Avec un indéniable abattage, les comédiens italiens restent trop souvent cantonnés à un registre farce trop appuyé et qui croule sous les conventions. Les personnages ne parviennent pas à pleinement exister ni à révéler toute leur alacrité, leur complexité et leur profonde humanité.
La Tempesta, Alessandro Serra, 2022 © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon
Tous les articles de la rédaction à Avignon sont à retrouver ici.