Théâtre
« Un fils de notre Temps » au Théâtre des Célestins de Lyon

« Un fils de notre Temps » au Théâtre des Célestins de Lyon

04 February 2015 | PAR Elodie Martinez

Du 20 au 31 janvier, le Théâtre des Célestins offre au public lyonnais une version française d’Un fils de notre Temps. La pièce adaptée par Guntram Brattia, (décédé en septembre dernier) d’après le roman de l’auteur hongrois, mais de langue et de culture allemandes, Ödön von Horvath est ici mise en scène par Simon Delétang. Accompagné des trois comédiens Thibault Vinçon, Thierry Gibault et Pauline Moulène, il offre une pièce qui saisit le spectateur et l’entraîne dans l’histoire d’une vie, de la jeunesse qui mûrit, de l’individu bien au-delà du thème du fascisme et du nazisme.

La pièce s’ouvre avec un noir complet avant que le sol blanc ne s’éclaire, laissant voir un champ de bottes noires rappelant sans hésitation celle des soldats nazis. On peut voir là l’équivalent des champs de croix blanches des cimetières militaires, ou bien simplement une armée fantomatique, l’imagination et l’interprétation restent libres et rejoignent cependant les mêmes idées : la guerre et la mort. En fond de scène, un mur noir laqué qui deviendra plus tard transparent à quelques reprises pour se transformer en intérieur d’appartement, par exemple. Pour le moment, ce n’est qu’un mur où une porte s’ouvre pour laisser entrer le héros de l’œuvre qui, s’il a un nom, s’oublie vite pour mieux embrasser petit à petit une généralité. Il s’agit d’un jeune soldat qui, comme tant d’autres, voit dans l’armée la famille et le travail qu’il ne trouve pas dans la vie qu’il a : sa mère est morte lorsqu’il était jeune, et son père est homme qu’il ne supporte pas, allant contre tous ses idéaux et qu’il trouve pathétique sans pour autant avoir la moindre pitié pour lui.

Durant près d’une heure et demie, nous suivrons ce soldat, sa rencontre avec cette jolie guichetière à la maison hantée d’une foire, son départ à la guerre sans pouvoir la revoir mais à qui il souhaiterait écrire : « Chère mademoiselle… », puis nous le verrons blessé à la guerre en tentant de sauver son capitaine, ce père de substitution, et contraint de retourner à la vie civile et à une autre réalité. Nous verrons comment, de façon simple et naturelle, son premier discours militarisé et prônant les bienfaits de la guerre s’ouvre sur un autre, dans lequel il voit les failles du premier et ne le supporte plus. On revient au début, mais sous un prisme différent. Nous le suivrons dans sa quête pour retrouver cette inconnue de la maison hantée avant de le suivre dans sa mort glacée.

Côté acteurs, saluons le jeu de Thibault Vinçon qui a un important texte à dire et qui parvient, grâce aux interventions des autres personnages et à la vie qu’il donne à ses propos, à ne pas laisser la moindre longueur, ce qui était le principal risque de l’adaptation de ce roman. Il n’est cependant pas le seul sur scène : Thierry Gibault et Pauline Moulène entrent par cette même porte en fond de scène, tour à tour père, capitaine, médecin, comptable, voisins, infirmière, veuve, jeune femme,… Ils changent de rôle avec une facilité et une crédibilité étonnante, et la musicalité de la voix de Pauline Moulène est fascinante et envoûtante.

Dans cette quête de l’individu, cet « individu qui n’existe plus », on nous parle de la guerre, de l’amour, de l’amour de la guerre et de la guerre de l’amour. On nous parle d’un avant qui n’a jamais été aussi présent, une jeunesse perdue dans un chômage et une crise qui trouve un triste écho aujourd’hui. Une pièce qui nous parle, nous interpelle. Une pièce de notre Temps, mais quel qu’il soit.

© Jean-Louis Fernandez

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Elodie Martinez
Après une Licence de Lettres Classiques et un Master en Lettres Modernes, Elodie découvre presque par hasard l'univers lyrique et a la chance d'intégrer en tant que figurante la production du Messie à l'Opéra de Lyon en décembre 2012. Elle débute également une thèse (qu'elle compte bien finir) sur Médée dans les arts en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, puis, en parallèle d'un stage dans l'édition à Paris, elle découvre l'univers de la rédaction web et intègre l'équipe de Toute la culture où elle participe principalement aux pages d'opéra, de musique classique et de théâtre. Elle a aussi chroniqué un petit nombre de livres et poursuit l'aventure une fois rentrée sur Lyon. Malheureusement, son parcours professionnel la force à se restreindre et à abandonner les pages de théâtre. Aujourd'hui, elle est chargée de projets junior pour un site concurrent axé sur l'opéra, mais elle reste attachée à Toute la culture et continue d'être en charge de l'agenda classique ainsi que de contribuer, à moindre échelle, à la rédaction des chroniques d'opéra.

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