Théâtre
Robert Benoit est Simenon dans <em>Lettre à ma mère</em>

Robert Benoit est Simenon dans Lettre à ma mère

01 March 2012 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Le lucernaire a le gout des grands comédiens. Encore récemment le “paradis” accueillait Nathalie Becue ou Patrick Coulais. La tradition se poursuit avec la mise en scène de et avec Robert Benoit. De Simenon, il avait déjà porté sur les plateaux Lettre à mon juge, à ce moment, avec l’autorisation de Georges himself. Pour cette Lettre à ma mère, c’est son fils John Simenon qui l’a autorisé à adapter le récit de vie de sa grand-mère.

Henriette a eu une longue vie tumultueuse. Elle meurt à 91 ans d’une courte et douce agonie de huit jours. Trois ans plus tard, son fils, décide de lui écrire une lettre posthume. L’auteur des Maigret a alors quitté le champ policier pour témoigner au magnétophone de ses mémoires. Au milieu de ses souvenirs on trouve un petit recueil d’une rare intensité, Lettre à ma mère. Simenon lui parle, mêle détails du quotidien et grande histoire pour pointer les incompréhensions et les maladresses de leur relation. C’est face à ces derniers jours, où la parole est rare, qu’il comprend qu’il ne l’a, justement, jamais comprise. Accueilli par un “mais pourquoi es-tu venu Georges”, assassin, seul le temps de l’écriture est venu éclairer sa propre existence.
Rapidement orphelin de père, Georges grandit à Liège dans le culte de la pauvreté vraie. Ce n’est que plus tard, à l’occasion d’un accident domestique qu’il comprendra que sa maman gardait les pièces d’or que ses enfants lui donnaient en les cachant en haut de la lourde armoire qui venait de lui tomber dessus. Le seul but, leur redistribuer. Non, elle n’était pas pingre, elle protégeait sa progéniture. Une seule obsession : assurer ses vieux jours sans rien demander. Elle réalise alors un coup de maître en épousant un vieux fonctionnaire des rails. La pension assurée ! Au fil de cette lettre le fils découvre sa mère et réalise ses mauvaises interprétations de mots dits devant ses yeux d’enfant aussi sévère que ceux d’un juge de guerre.
Robert Benoit d’une voix grave et le corps lourd livre les mots de Simenon. Il est à son bureau, derrière les persiennes, veste grise et pantalon noir. Son inconscient lui joue des tours et lui renvoie l’image d’une carcasse de lit, celui de sa mère. Il faut avouer que le texte de Simenon n’est pas le meilleur écrit sur le deuil et la réparation de la séparation. Nous sommes loin d’Albert Cohen décrivant dans les pages du Livre de ma mère les futurs cadavres se promenant sur les boulevards avec un sentiment d’éternité. Malgré l’accumulation des petits détails qui font un être, la distance avec l’émotion reste intacte. Robert Benoit offre un jeu bien sûr impeccable et impressionnant mais ne cherche jamais la fragilité, ne permettant pas au spectateur de se projeter dans son propre imaginaire empli de ses propres pertes. Lettre à ma mère est alors un spectacle à l’honnêteté incontestable auquel il manque une pointe d’intensité qui le rendrait poignant.

 

Visuel : © Natalia Apekisheva

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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