Que dire sur Mister Sloane, une pièce ni faite ni à faire
La Comédie des Champs-Elysées tenait l’affiche la plus insolite et la plus alléchante de la rentrée du privé. Mais celle-ci ne tient pas du tout ses promesses. Dans « Que faire de Mister Sloane ? » Gaspard Ulliel réalise ses premiers pas sur scène tandis que la très populaire Charlotte de Turckheim y fait son retour sous la houlette de l’iconoclaste Michel Fau. Voici les ingrédients de ce qui a tout l’air d’un coup. Le spectacle est mauvais en tous points.
Mort bien jeune, assassiné par son amant, le dramaturge britannique Joe Orton est peu joué en France. Sa biographie est au moins plus palpitante et romanesque que sa pièce, peu passionnante. Kath et Eddy sont frère et sœur, vivent avec leur père (Jean-Claude Jay) sans amour mais avec aspérité, dans un pavillon construit sur une décharge dans la banlieue de Londres (décor de Bernard Fau, laid à dessein mais moche quand même). Elle ramasse un jeune homme dans une bibliothèque et le fait emménager chez eux comme nouveau locataire. Il est jeune et beau. Tous tombent sous son charme et jettent leur dévolu sur lui, de la foldingue nymphomane de sœur (Charlotte de Turckheim, éternellement vouée à camper l’aristo délurée) à la folle dingue de frère (Michel Fau qui, par excès de coquetterie, joue encore les dandys). Peu crédibles, ils se disputent sans ménagement le pauvre Gaspard Ulliel, bien loin d’un ange exterminateur à la Pasolini, plutôt volontaire mais terriblement emprunté. Ils le déshabillent. A-t-on pensé que ça passerait mieux ainsi. C’était attendu.
Comment avions-nous pu imaginer cela amusant et décapant ? Ce n’est ni l’un ni l’autre. Michel Fau est un acteur génial mais n’a jamais vraiment convaincu à la mise en scène et s’il passe avec une aisance facétieuse de Claudel à Guitry et de l’Odéon au théâtre privé, ce n’est artistiquement pas à son avantage au regard de ses dernières productions toutes ratées. Faut-il qu’il soit devenu illettré et aussi peu exigeant pour s’intéresser à cette pièce, un soap d’une vulgarité et d’une misogynie effroyables, pas drôle, bien faible et qu’il la monte de la plus mauvaise des manières, c’est-à-dire illustrative, complaisante, caricaturale. C’est en plus fort mal joué. Tout est forcé, exagérément, comme dans un mauvais faux boulevard. Aucune portée sulfureuse, jamais de dangerosité. Tout s’embourbe dans une méchanceté facile et un registre uniformément farce et gras. Plombant.
Photo Lot