Théâtre
Pippo Delbono, <em>Dopo la battaglia</em>, il y a l’espoir

Pippo Delbono, Dopo la battaglia, il y a l’espoir

18 January 2012 | PAR Amelie Blaustein Niddam

L’artiste italien, acteur et metteur en scène, Pippo Delbono revient au Théâtre du Rond-Point avec sa dernière création ” Dopo la battaglia”. Nous l’avions quitté en 2010 avec « La Menzogna », présentée au Festival d’Avignon. Cette nouvelle création se place, sur le fond, dans la continuité d’un cri contre la démence du monde et pour la folie des hommes. Sur la forme, le silence ici s’absente et laisse place à des paroles multiples, celles de la danse, de la musique et la voix rauque de Pippo.

C’est un opéra qui n’aura pas lieu, un hommage à Verdi pour fêter les 150 ans de l’unification de l’Italie. La crise est passée par là et les coupes budgétaires ont eu raison de la production. Reste des comédiens, ceux de la Compagnia Delbono, avec en haut de l’affiche, Bobo, sourd, muet, microcéphale. Le metteur en scène le rencontre en 1996 alors qu’il est interné dans l’hôpital psychiatrique d’Aversa depuis 45 ans. Il le sort de l’aliénation de la structure médicale pour le prendre sous son aile. Dopo la battaglia lui rend un hommage puissant ayant comme fil une question en filigrane : qui est fou ?

Dans un geste artistique d’une cohérence rare, tout concorde dans le même sens : le décor est une pièce grise comme un “linceul”, un asile ou une prison. La lumière parvient le plus souvent par le biais de plusieurs lourdes portes. Le texte est un montage de lignes, d’Antonin Artaud, Franz Kafka, Alda Merini, Pier Paolo Pasolini, Walt Whitman, Rainer Maria Rilke, et Alejandra Pzarnik, confronté à la musique live du violoniste Alexander Balanescu qui croise les airs fameux de Verdi, Niccolo Paganini et Pëtr Il’i ajkovskij. Des vidéos des mers puis de sa mère, filmées avec un téléphone portable viennent appuyer le propos.

Pippo Delbono hurle la schizophrénie de l’être humain. Les déments sont ceux qui refusent d’entendre, ceux qui quittent la salle Renaud-Barraud alors que les comédiens font danser les spectateurs. Pour se rassurer, il fait appel à ses morts, Pina Baush en tête qu’il refait danser par le biais des pas de ses actrices accompagnées par la danseuse Marigia Miggipinto qui a fait partie du Tanztheater Wuppertal. Les images s’enchainent dans un flot de paroles incessantes à l’image des vagues qui vont et viennent trainant avec elles les boat people du XXIe siècle.

Il y a des gens seuls, tel Bobo dans la salle d’attente de sa vie. Il y a des images d’une beauté incroyable, telle Lady Macbeth errant dans sa folie jusqu’à s’effondrer tremblante. Il y a des scènes de groupe, costumes sublimes, pour dire l’opéra, annulé, remplacé par un playback sordide et efficace. Il y a du rire sombre quand la troupe nous invite, sur ordre de la maman de Pippo à nous détendre un peu. Nous voilà donc dans un pastiche de Comédia dell arte, tendance masques de Disney où les faux semblants même à l’abri d’une lumière moins dramatique continuent d’agresser. La boucle est bouclée, le théâtre et l’opéra italiens sont transpercés par la question de la schizophrénie, et comme dans le théâtre et l’opéra italiens, certains excès irritent. Une vidéo misérabiliste et la scène des Œillets frisent le pathos. Mais à chaque fois, Pippo Delbono tente de resserrer son propos et réussit dans un éclat incontestable à rassembler dans une dernière image plusieurs Pina en robe de soie blanche entourant et cajolant Bobo.

Pippo Delbono dans son travail avec une troupe plurielle où se côtoient des gens de tous âges, portant pour certains des handicaps visibles , mais toujours invisibles sur les plateaux, offre un tableau follement juste de la folie du monde…« Bateau sans guide ».Voguons alors et usons de la folie comme arme pour traverser la vie.

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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