Théâtre
On ne badine pas avec l’amour, du romantisme vrai à la Comédie Française

On ne badine pas avec l’amour, du romantisme vrai à la Comédie Française

10 May 2012 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Reprise au Français ! Déjà montée en 2011 au Vieux Colombier, la mise en scène d’Yves Beaunesne s’installe dans le théâtre éphémère de la Comédie Française, pour un spectacle, comme le remarquait Christophe Candoni “jamais caricatural, aucunement sucré ni mièvre, véritablement tragique et poignant sans être lourdement assombri.”


On se souvient tous de nos lectures adolescentes dont les strophes d’Alfred de Musset tirées d’On ne badine pas avec l’amour égayaient nos jours. Les garçons gardant “Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais s’il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux.”, et les filles le “mais êtes-vous sûr que tout mente dans une femme, lorsque sa langue ment?”. Il est rare d’être au théâtre comme au concert, avec un public, discret tout de même, qui murmure le texte su par cœur.

Le tour de force d’Yves Beaunesne est d’enlever au texte sa réputation légère. La scénographie, un peu facile certes mais efficace, faite d’oppositions entre la lumière et le noir, symbole de la tension entre la foi et la raison qu’ ici ne se place pas où on l’attend prend place dans la maison du baron, (magistral Roland Bertin) aux murs délavés. Heureusement, la sœur de lait de sa nièce Camille, Rosette (flamboyante Françoise Gillard ) est pleine de vie. Elle virevolte en robe fifties en écoutant des chansons d’amour à l’aide d’un mange disque orange pétard. On la laisse vivre Rosette. C’est autre chose pour Camille, revenant du couvent à 18 ans tout rond après 10 ans d’absence que son oncle souhaite marier à son fils, le beau Perdican (charismatique Loïc Corbery) devenu à 21 ans, docteur ayant connu “la vie”. Rien ne se déroule comme prévu. Si lui tombe raide devant la jolie blonde, elle préfère se ruer au couvent.

Le décor repose essentiellement sur un miroir qui permet de voir ce qui se passe derrière le rideau tendu en fond de scène, il devient ensuite l’allégorie de la fontaine où le piège se resserre sur Rosette puis l’autel qui verra se réaliser avant de s’évanouir l’union prévue et finalement réalisée de Camille et Peridican.

La force de la mise en scène est de mettre en avant la critique de l’église et de la société. En auteur romantique Musset est un désespéré. Rien n’est possible puisque les conventions l’interdisent. Ici, Maître Bridaine en tenue de religieux picole tout comme Maître Blazius (hilarants Pierre Vial et Christian Blanc), ils sont voyeurs et pipelettes, bien plus que la prude Madame Pluche (Piquante Danièle Lebrun). Le texte est livré avec une force et une subtilité formidables. On regrette tout de même le jeu de Marion Malenfant qui dans le rôle de Camille se laisse déborder dans les moments d’hystérie.

Reste un spectacle bien mené qui fait entendre un texte vieux de 178 ans mais dont la teneur romantique qui mêle à l’espoir, l’échec, la souffrance et la mort vient caresser l’idée que ce monde-là, où l’homme apparaît véritable pion dans l’existence, jouet des rumeurs et des perversités entourantes est d’une actualité présente.

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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