Spectacles
À la Comédie-Française, Gainsbourg sous toutes les coutures avec Les Serge (Gainsbourg Point Barre)

À la Comédie-Française, Gainsbourg sous toutes les coutures avec Les Serge (Gainsbourg Point Barre)

02 December 2022 | PAR Yohan Haddad

Crée en 2019 au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, le spectacle musical Les Serge (Gainsbourg Point Barre) met à l’honneur l’homme à tête de chou au cœur d’une combinaison astucieuse mêlant théâtre et concert, servi par une troupe de comédiens étourdissante de drôlerie.

“Elaeudanla téitéia…”

Au cœur du décor du Studio-Théâtre, quelques secondes avant les débuts de la pièce, un comédien, Noam Morgensztern, s’avance au cœur de cette scène encore allumée pour nous raconter une histoire. Après quelques secondes, le constat devient clair : il ne parle pas de son point de vue de comédien, mais directement du point de vue de Serge Gainsbourg. Sans mimétisme, sans imitation, le comédien fait le choix de ne reprendre que les mots du maître, ne recouvrant que certains traits de son identité afin de mieux retranscrire sa joute verbale, plutôt que d’imiter ses tics de langage.

Les Serge répond à cette idée durant les 90 minutes qui composent la pièce : il s’agit ici de rendre hommage à Serge Gainsbourg en reprenant des traits de sa personnalité, à travers des extraits d’interviews entrecoupés repris tour à tour par les six comédiens présents sur scène. Entre ces moments de bravoure où la loquacité du génie se laisse entrevoir, le spectacle propose un véritable concert, où le répertoire de Gainsbourg est exploré à travers certains de ses plus grands titres, tels que Je suis venu te dire que je m’en vais, Le Poinçonneur des Lilas ou encore Love on the Beat, mais proposant également des titres bien moins connus tels que Vu de l’extérieur, Ces petits riens, ou encore les stupéfiantes Variations sur Marilou. C’est néanmoins l’entraînante Elaeudanla téitéia, morceau étonnant où l’aspect guilleret du texte fait toujours sourire, qui est régulièrement reprise par chacun des comédiens.

Car c’est bien cette vocation-là qui alimente le spectacle. Les Serge propose de ressusciter Gainsbourg sous les traits de l’humour, se rappellent de l’homme joyeux plutôt que du Gainsbarre des années 1980. Ses propos les plus polémiques sont toutefois repris sous le ton de l’humour, tels que l’épisode avec Whitney Houston ou celui du billet de 500 francs. Gainsbourg est donc ici honoré sans jamais être pastiché, préférant se rappeler de son apport culturel dans le monde d’hier comme d’aujourd’hui.

Du jazz dans le ravin

Les Serge s’éloigne pourtant d’une proposition purement théâtrale. La scène n’est pas construite comme un décor de théâtre, mais plutôt comme une scène jazz fantasmée dans un style années 1950 où de nombreux instruments sont présents : basse, guitare électrique, clavier, piano, flûte sont notamment présents, donnant l’impression d’assister à un concert plus qu’à une pièce de théâtre. Ce qui est en réalité plutôt le cas, car Les Serge se compose majoritairement de chansons, reprises sous le coup de l’humour par cette formidable troupe d’acteurs, qui n’hésite pas à en faire parfois beaucoup trop pour faire hurler de rire la salle du Studio-Théâtre. La reprise en cœur des Sucettes de France Gall par les six comédiens en est l’exemple parfait, tous alignés en cœur à la manière des Frères Jacques, interprètes originaux du Poinçonneur des Lilas.

La pièce est un formidable tremplin pour montrer les talents multiples des acteurs de la Comédie-Française. Ils savent jouer de presque tous les instruments présents sur la scène, avec Benjamin Lavernhe à la batterie et à la basse, Noam Morgensztern au piano et claviers, Sébastien Pouderoux qui explore tous les instruments en plus de la clarinette, tandis que Stéphane Varupenne et Yoann Gasiorowski font part de leurs talents aux percussions, à la guitare et au trombone. C’est toutefois la pétillante Marie Oppert qui tire la couverture avec sa présence enchanteuse, où avec sa voix puissante, elle reprend les tubes de Gainsbourg à la manière de Mariah Carey comme à la manière de Pavarotti, comme le montre sa superbe reprise de L’eau à la bouche, l’un des moments phares du spectacle.

Tous habillés de chaussures blanches, clope au bec allumée tour à tour par chacun d’entre eux, la troupe de la Comédie-Française rend un hommage éblouissant à Serge Gainsbourg, montrant que ses chansons sont décidément immortelles, s’exportant jusqu’à la scène de théâtre, reprise avec des instruments comme avec de simple bruits de bouches et frottements de mains (et parfois avec de la batterie sur la tête des comédiens). Comme dans un véritable concert, le spectacle s’est terminé par un Encore enjoué du public, qui a vu le retour des comédiens sur la scène pour une jolie reprise du Babe Alone in Babylone de Jane Birkin, avant un deuxième Encore réclamé par le public, arrêté par Benjamin Lavernhe qui annonce avec humour que deux des comédiens doivent jouer le Roi Lear en Salle Richelieu !

Les Serge (Gainsbourg Point Barre)
Mise en scène de Stéphane Varupenne et Sébastien Pouderoux
Avec la troupe de la Comédie-Française : Stéphane Varupenne, Benjamin Lavernhe, Sébastien Pouderoux, Noam Morgensztern, Yoann Gasiorowski et Marie Oppert
Jusqu’au 8 janvier 2023 au Studio-Théâtre de la Comédie Française

Visuel : © Vincent Pontet, coll. Comédie-Française

Pianomania : Un final royal avec Ayo & Gaël Rakotondrabe 
Forêt, la pièce monument d’Anne Teresa De Keersmaeker et Némo Flouret sort le Louvre du cadre
Yohan Haddad

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration