Théâtre
“Mes jambes, si vous saviez, quelle fumée…” : Pierre Maillet enfile les bas de Pierre Molinier à la Bastille

“Mes jambes, si vous saviez, quelle fumée…” : Pierre Maillet enfile les bas de Pierre Molinier à la Bastille

09 February 2023 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Jusqu’au 16 février, le Théâtre de la Bastille donne à voir le délicieux Mes jambes, si vous saviez, quelle fumée… créé en 2004 et repris en 2013. Cette archive vivante nous fait basculer sans aucune censure dans le monde fétichiste de Pierre Molinier dans les années 1960 et 1970. 

« Je suis fasciné par les bas »

Vous connaissez sans doute ces images : des jambes comme les tiges des fleurs rassemblées dans un bouquet noir et blanc. Des jambes ornées de bas et de talons fins. Ces images sont signées du peintre et photographe Pierre Molinier, mort en 1976 à Bordeaux. L’homme était libre, talentueux et fascinant. Ses œuvres érotiques et sa suspicion de proxénétisme l’ont laissé à la marge du cercle des surréalistes. Ironie morbide, il se suicide le 3 mars 1976 car il se sait condamné d’un cancer de la prostate. Voilà pour le vrai Molinier.

En 2004, Bruno Geslin monte le spectacle Mes jambes, si vous saviez, quelle fumée… Il s’agit d’une adaptation des entretiens de Pierre Chaveau avec Pierre Molinier en 1972. Pierre Maillet interprète ce dernier, accompagné de Jean-François Auguste et Elise Vigier. La pièce démarre par une séance d’hypnose collective qui donne le ton  : lâchez prise !

« Des bas sensationnels »

Quand Pierre Maillet entre en scène, nous éclatons de rire. L’image est irrévérencieuse, drôle, cocasse. Il est tout en armure : serre-taille, porte-jarretelles, bas-coutures et escarpins très très fins de 12 centimètres. Cela claque autant que les bandes autocollantes des dim-up de Jean-François Auguste qui lui donne une réplique uniquement corporelle.

Seul Pierre Maillet parle, à l’exception d’une prise de parole d’Élise Vigier, elle aussi en tenue. Pierre Maillet parle vite, il mâche ses mots pour embarquer dans sa voix l’accent bordelais du siècle dernier. Le champs lexical est délicieux, il est brut de décoffrage. Ici, on bande fort et on s’enfile par tous les trous. Est-ce que ça fait mal ? Oui, et il aime ça ! Entre plaisirs SM et nécrophilie, Molinier était sans limite. 

« Ça n’existe pas le vice »

Le jeu est lui aussi sans limite. Pierre Maillet transmet un plaisir de jouer intense, libéré de toute honte possible. Les images que le trio provoque sont des réactivations vivantes des photos et des peintures de Molinier. La première chose que vous ferez en rentrant chez vous, c’est de vous ruer sur Internet pour voir ses œuvres. Tout comme dans le spectacle de Laurent Bazin, Trois contrefaçons qui se joue en ce moment au Théâtre 13, la frontière entre la réalité et le fantasme est le cœur de l’intrigue. Le vrai et le faux n’est pas remis en question. C’est l’entre-deux entre le beau et l’infâme, entre le sexy et le dégueulasse, qui est exploité, avec beaucoup de talent par le trio, et particulièrement Pierre Maillet. 

À voir absolument, il reste de la place. Au Théâtre de la Bastille jusqu’au 16 février à 20 heures. 

Visuel : ®Jean-Louis Fernandez

 

 

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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