Théâtre
Madame… de Vilmorin donne la parole à l’élégante Louise au Théâtre du Petit Montparnasse

Madame… de Vilmorin donne la parole à l’élégante Louise au Théâtre du Petit Montparnasse

18 September 2011 | PAR Yaël Hirsch

Depuis le 9 septembre, Coralie Syrig redonne vie à l’auteure de “Madame de”, adapté à l’écran par Max Ophüls (1953), avec Danielle Darrieux et Charles Boyer. Campée par la metteuse en scène Christine Dejoux dans sa maison de Verrières, la grande dame oscille entre gravité et légèreté, entre la cigarette et le verre de whisky, et passe en revue sa vie de muse et de femme de lettres.

Poussée vers l’écriture par André Malraux, qui fut son compagnon, grande amoureuse et romancière parfois malgré elle, Louise de Vilmorin (1902-1969) est une grande dame des lettres françaises du 20e siècle. Pas nécessairement un grand auteur, et elle est aujourd’hui très souvent oubliée, mais une de ces égéries d’une époque, mise en musique par Poulenc et adorée par Cocteau. De cette époque, elle  a su  saisir les arrière-cours psychologiques à travers des petites histoires au ton juste et à l’écriture enlevée. “Madame de Vilmorin” redonne la parole à cette passagère très française du 20e siècle, dans ses propres mots dans les entretiens avec André Parinaud, adaptés par Annick Le Goff. Dans une mise en scène sobre et fleurie de Christine Dejoux, Coralie Seyrig prête son élégance naturelle au personnage vieillissant de Louise de Vilmorin et repassant le film de sa vie depuis son antre de Verrières-le-Buisson. Si le temps de l’âge mûr est celui du manque d’argent, la grande dame sait demander avec chic 50 000 francs par ci et par là à tous ses amis. Et si elle avoue ne pas croire à l’importance du roman, art dans lequel elle est entrée comme par effraction. Elle revient aussi sur ses grandes histoires d’amour : Saint-ex alors qu’elle était une jeune-fille fragile vivant rue de la Chaise, à Paris, son éditeur, Gaston Gallimard, bien sûr Malraux, son mari hongrois qui l’a emmenée vivre ailleurs, et un grand diplomate anglais qui l’a aussi faite voyager. Volage, légère, pétillante, Louise de Vimmorin cachait peut-être bien plus de sagesse et de de gravité qu’on l’imagine. C’est ce que tente de montrer cette pièce de théâtre. Les trois femmes qui ont contribué à remettre sur scène les mots de cette femme de lettres ont une passion communicative pour leur sujet. L’on sourit à certains bons mots bien choisis et l’on est touché par ce personnage venu d’un autre temps. Cependant, malgré sa stature, Delphine Seyrig peine à tenir un rythme pendant 1h25 de monologue. N’ayant d’autres armes que l’allumage de cigarettes longues comme des baguettes de tambours, quelques notes laborieuses de piano et une ponctuation outrée du texte pour tenir le spectateur en haleine, elle ne convainc pas, notamment dans les levers de bras d’après nature qui transforment alors la pétillante Vilmorin en tragédienne de sa propre vie. Un beau spectacle à voir avec patience pour se rappeler le temps des cerises, de la NRF et de l’aéropostale vue par les yeux d’une femme d’exception.

Pour voir une interview de Louise de Vilmorin, où elle explique sa soif de divertissement  qu’elle ne se sent pas “femme indépendante”, voir ici.

“Madame de … Vilmorin”, d’Annick Le Goff et Coralie Seyrig, mise en scène de Christine Dejoux, 1h25.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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