
Le Mur invisible, le récit très opaque de Lola Lafon et Chloé Dabert au Festival d’Avignon
Présenté en création lors du 75e Festival d’Avignon, Le Mur invisible s’est élevé dans la cour du musée Calvet, nous laissant de l’autre côté derrière une paroi bien trop épaisse pour nous émouvoir.
Faire entendre la solitude d’une femme
Sur le papier, c’est formidable. Le projet est présenté dans le cadre du festival dans une production de La Comédie de Reims, dirigé par Chloé Dabert. Et, d’ailleurs le public ne s’y trompe pas et répond présent et très nombreux dans la sublime cour du musée Calvet. À l’invitation de Lola Lafon dont on adore les romans, Chloé Dabert a monté le célèbre texte de l’autrice Marlen Haushofer. Ce n’est pas la première fois que l’autrice et la metteuse en scène travaillent ensemble, notamment en 2016 pour Nadia C.
Ce texte est fou de par son existence même. Marlen Haushofer l’a écrit en 1963 la nuit dans sa cuisine. C’est un journal de bord, l’allégorie claire de la place des femmes dans un monde patriarcal, surtout en 1963. De Chloé Dabert on sait le talent pour dire les choses de façon directe et avec peu d’artifices. Nous sommes donc étonnés de voir un cadre de scène, comme une cabane, posée devant le mur du musée Calvet. Il y a deux cases, à gauche se tient la violoncelliste Maëva Le Berre qui va venir souligner le naufrage de cette vie seule que Lola Lafon tente de transmettre.
Une proposition épaisse
Commence alors 1h05 d’un spectacle qui se veut être un récit et qui s’apparente à une lecture. Les lectures justement, c’est ce qui se tient normalement à Calvet et tous, en gardons des souvenirs dantesques. Ces lectures sont souvent des vrais spectacles.
Le problème ici c’est que le texte ne peut pas nous parvenir. Dans son jeu Lola Lafon garde les yeux vissés au sol ou sur des pages. Elle appuie de façon bien trop appuyée sur les phrases, ce qui les rend décalées. Elle lit et joue comme si nous n’étions pas là.
On devrait souffrir avec elle, être dans l’empathie de cette histoire folle et fantastique d’une femme abandonnée par les humains, seule dans une cabane avec une vache et un chien, Lynx. Ce texte doit nous élever, nous donner de l’espoir sur les forces de l’esprit. Mais il ne se passe rien.
Cela s’explique par la mise en scène qui enferme de façon très littérale le récit. La cabane est visible ; Lola Lafon peut s’y allonger, s’y asseoir. La musique souligne les mots, les illustre, comme la lumière qui vient singer la lune.
Le texte devient inaudible et nous irrite. Plus la pièce avance, plus la question de sa dramaturgie se pose. Et malheureusement toute la tragédie de ce texte s’effondre dans un précipité d’ennui.
Jusqu’au 23 juillet à 22 heures. Durée 1h05
Visuel : © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon