Avignon OFF : Alegro Molto Barabaro, le totalitarisme dansé de Ifjú Szivek Dance Theatre
Au OFF d’Avignon jusqu’à demain 29 juillet, la compagnie slovaque Ifjú Szivek Dance Theatre adapte Catastrophe de Beckett en piochant dans les danses traditionnelles et Bartòk pour dire à quel point le totalitarisme passe dans les corps.
Pour la petite histoire, et pour rappeler ce que jouer au OFF veut dire, ce 28 juillet, la troupe, composée des danseurs (Ákos Botló, Erik Brusznyai, András Lantos, Veronika Sebö, Ágnes Varsányi, Anna Vermes) et des musiciens (Máté Hegedüs, Miklós Király, Gergely Dávid Hegedüs, Tamás Király) arrive 10 minutes avant d’entrer sur scène. En cause, un camion s’est renversé deux heures avant sur la route qui les sépare du Golovine, iconique théâtre d’Avignon dédié à la danse, comme les Hivernales. Dans une leçon de Show must go on, ils vont se mettre à danser et à jouer avec toute la frénésie que nécessite la pièce.
C’est donc à peine échauffés que les danseurs se lancent dans une parodie violente de danse traditionnelle. Si les pas sont décalés, l’engagement du corps est, lui, total et technique. On le sait, on vous l’écrit tout le temps, il n’est pas neuf que les chorégraphes contemporains questionnent les danses martelantes et répétitives. Mais ce que le Festival d’Avignon et le OFF ont montré, c’est que, aujourd’hui, le sujet est massivement politique. Il est féministe chez Marcos Morau, Aina Alegre et Yannick Hugron, et, ici, il vient s’attaquer aux racines du mal, en prise direct avec l’histoire politique du pays, la Hongrie
Comme chez Beckett, un metteur-en-scène très directif donne des ordres. Il apparaît ici en vidéo, des mains, presque seulement des mains, et, à la voix, Jean-Marc Barr. Le quatuor à cordes dissone juste ce qu’il faut pour dire que tout cela n’est pas conventionnel, que cela déraille. Du côté de la danse, si la façon de taper le corps, frappe franche et dos droit, est conventionnelle, la vitesse et l’intention montrent que la soumission est subie. A cela s’ajoutent des oppositions qui voient les doigts se lever ou les corps se gratter. Mais rien n’y fait, le tyran a le dernier mot.
La corrélation entre les cordes, les pas et la voix fonctionnent à merveille et nous impacte jusque dans nos corps. Si le totalitarisme est l’ennemi de la culture, c’est donc qu’elle n’est pas si inoffensive.
Jusqu’au 29 juillet à 12H30, durée 1H, Golovine.
Visuel :©Ifjú Szivek Dance Theatre