
L’avantage du doute : encore, plus, partout, et même jusqu’au Paradis blanc
L’Avantage du doute, notre collectif adoré chéri depuis plus de dix ans maintenant, prend ses quartiers au Théâtre de la Bastille pour son nouveau spectacle au titre presque porno Encore plus, partout, tout le temps.
Cette fois, nous trouvons Claire Dumas changée. Elle est devenue Bernard Tahé. En slip, chaussettes hautes et blouson en cuir, il ou elle, on ne sait plus, se charge de chauffer la salle. À l’aide d’un micro qui lui donne la voix d’un gros beauf, elle taquine le public. Le monde du théâtre public y est passé à la moulinette, acronymes compris. Sur scène, devant un magnifique décor peint et officiellement donné par le TGP, Mélanie Bestel, Judith Davis, Nadir Legrand et Maxence Tual sont vêtus de toges (elles aussi récupérées). On est déjà morts de rire et la pièce n’a pas vraiment commencé. Mais, nous le savons, vous le savez, l’Avantage du doute a comme passion de nous faire rire du pire.
Que ce soit dans Tout ce qui reste de la révolution, c’est Simon (2010), La légende de Bornéo (2012), Le bruit court que nous ne sommes plus en direct (2016) ou La grande traversée (2018), le collectif compose, colle et accole des moments. Pour Encore plus, partout, tout le temps, tout tourne autour des dominations. Celles des humains sur la Terre, et celles des hommes envers les femmes.
Le collectif nous fait passer d’une scène à une autre (un dîner devient une nuit cannibale par exemple !), avec des transitions toutes plus inattendues les unes que les autres. Ils et elles jouent à ne pas jouer. Et ils ne jouent pas à jouer. Ils et elles portent leurs noms et parfois c’est leur “vraie” vie qui est mise en scène, comme dans un psychodrame, cet outil en psychologie qui permet de voir ce qui était là devant nos yeux aveugles. Ici, un couple écolo qui brille par une charge mentale 100% féminine.
Le théâtre n’est jamais une fiction pour eux. C’est une façon de nous mettre face à notre monde. Et dans notre monde, la planète crève et dans le monde occidental, les femmes voient (réalisent !) enfin les mécanismes de domination si longtemps intégrés par des hommes qui comme Maxence et Nadir n’ont rien d’affreux connards (tous ne sont pas Bernard !).
L’avantage du doute nous met face à nos contradictions, une fois encore. Ce qui change, c’est que le collectif se vit sans la Révolution, sans Simon, sans 68. Nous avons la sensation, entre un non-désir d’enfant, des ruines antiques devenues tabourets et la fonte des glaces, que seul Michel Berger peut une nouvelle fois nous sauver.
Jusqu’au 27 mai au Théâtre de la Bastille
Visuel :© Jean-Louis Fernandez