Théâtre
J’ai découvert la haine, je sèmerai l’amour : la Cie Personae rencontre Albert Cohen

J’ai découvert la haine, je sèmerai l’amour : la Cie Personae rencontre Albert Cohen

17 December 2019 | PAR Sarah Reiffers

Après Emma Bovary et Melle Camille Claudel, la Compagnie Personae présente J’ai découvert la haine le jour de mes dix ans, de Ô vous frères humains d’Albert Cohen. Ou quand la mise en scène ose s’effacer complètement et nous mettre face à face avec les mots.

C’est dans le cadre convivial et intimiste de l’Atelier de la Cité à Angers que la Compagnie Personae a présenté le week-end dernier sa nouvelle création. J’ai découvert la haine le jour de mes dix ans est l’adaptation du Ô vous frères humains d’Albert Cohen, récit autobiographique où l’auteur revient sur un épisode traumatisant de son enfance : sa première exposition à la haine collective et gratuite, à l’antisémitisme, le jour de son dixième anniversaire. Le texte est lourd et dur, mais résolument tourné vers l’avenir et la fierté d’être soi. La Compagnie Personae l’ajoute à la liste de classiques littéraires (Madame Bovary, Oh les beaux jours, Andromaque… ) qu’elle a portés sur scène, toujours dans le plus grand respect du texte et au plus proche des mots. Avec cette fois-ci un changement de registre : si on reste dans l’intime, la Compagnie délaisse les tourments féminins pour se tourner vers un militantisme assumé.

Assumée, la mise en scène l’est aussi. La comédienne reste fermement plantée au même endroit pendant toute la durée du spectacle (une heure). Le pari était très risqué, la réussite n’en est que plus belle. Notre attention ne dévie pas. Les mots, l’interprétation se suffisent. Par la bouche de la comédienne, Albert devenu grand nous raconte la douleur d’Albert encore petit garçon qui, ne comprenant pas pourquoi le simple fait d’être né lui garantit le titre de “méchant” (comme le lui assurent les antisémites), erre dans la ville, s’interroge, tire des conclusions dont l’innocence enfantine est soulignée, par contraste, par la cruauté des adultes auxquels il est confronté. L’interprétation est fluide : la comédienne passe du bonheur simple à la haine défigurante, entonne un “joyeux anniversaire” rendu terrible par le contexte, et jamais ne tombe dans l’apitoiement ou le désir de vengeance. Cet Albert-là resplendit de sensibilité et d’amour, et garde la tête haute.

Visuel : Cie Personae      

 

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Sarah Reiffers

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