Théâtre
Fauves de Wajdi Mouawad, un fabuleux bad de quatre heures

Fauves de Wajdi Mouawad, un fabuleux bad de quatre heures

15 May 2019 | PAR Carole Marchand

On se souvient de la fameuse résolution mathématique 1+1=1 de la pièce Incendies (2003) de Wajdi Mouawad, mais pour Fauves, l’équation est plus complexe. Incestes, viols et guerres s’entremêlent au Grand théâtre de La Colline dans un chaos abyssal pour ne former qu’un nœud familial souffrant de milles blessures. Une énième tragédie familiale en deux parties, à voir jusqu’au 21 juin, qui ne laisse aucun répit au spectateur.

 

Une trop sombre descente aux enfers

Telle une signature du metteur en scène, l’intrigue débute chez un notaire, à la lecture d’un testament, où Hippolyte Dombre, joué par l’excellent Jérome Kircher qui porte avec conviction et engagement les folies identitaires et traumatiques de son dramaturge, apprend la mort de sa mère. L’enjeu presque prévisible pour le personnage d’Hippolyte est donc de suivre les pas de sa mère vers Montréal, pour y dénicher des morceaux de son histoire. Wajdi Mouawad nous embarque une fois de plus dans une histoire très sombre mais nous perds rapidement face à cette omniprésence de la mort sur scène, qui en devient lassante au terme des 4 heures.  Un décor aux parois floues et aux lumières mouvantes sublime les scènes de deuil. Mais le malheur trop vite exagéré tombe dans un absurde qui provoque des réactions inhabituelles. C’est là toute la puissance de la catharsis. Le spectateur finit par rire face à des horreurs sur lesquelles il ne serait même pas permis de sourire. Les uns après les autres, les personnages s’emparent du couteau pour rouvrir les plaies à la recherche de la vérité. La pièce est empreinte d’une violence inouïe, où la mort est clairement représentée dans une sauvagerie archaïque qui en fait trop.

Le déchaînement d’émotions et de sauvagerie magnifiquement  interprété  par les comédiens rehausse la qualité du texte qui semble plus faible que ce à quoi Wajdi Mouawad nous a habitué avec Tous des oiseaux . Les répliques sont puissantes dans le jeu d’acteur plus que dans les mots. 

Une scénographie qui remonte le temps 

Flash-back, ellipses, et rembobinages sont apprivoisés à la perfection par une scénographie qui se joue à rouler lentement dans tous les sens pour démêler le temps. Les entre-scènes, amenées comme des respirations lentes au milieu d’un chaos haletant, apportent à la pièce une sorte de fluidité exagérée mais bienvenue. Des fragments d’instants oscillant entre le passé et le présent nous aident à résoudre l’énigme familiale d’Hippolyte comme un puzzle temporel. La mise en scène nous transporte du Groenland à Paris, de Montréal jusqu’à la planète Mars, pas de demi-mesure. Le défi technique spatio-temporel est magnifiquement réalisé. Mais cela ne suffit pas pour nous tenir en haleine jusqu’au dénouement, on tourne en rond à force de répétitions.

En résumé, une pièce qui rassemble les ingrédients puissants dont sait se doter le talentueux dramaturge pour nous faire vibrer, mais qui tombe dans une quête de vérité qui prend trop de sens et défend trop de causes. Mais comme toujours, on ne sort pas indemne d’une pièce de Wajdi Mouawad. 

Du 9 mai au 21 juin au théâtre de la Colline, informations et réservations ici.

Visuels ©Alain Willaume / tendance floue

“Iolanta” et “Casse-Noisette”, l’amour à la lumière de l’apocalypse à l’Opéra de Paris
Honneur et blâme pour Alain Delon au Festival de Cannes
Carole Marchand

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration