Etre ET ne pas être, la décision d’Hamlet à la Biennale de théâtre de Venise
Julia*n Meding explose la scène du Teatro alle Tese dans la mise en scène grunge-queer du metteur en scène suisse, Boris Nikitin. Voici une approche neuve de LA question que se pose Hamlet depuis quatre siècles.
“Ce corps n’existe que sur scène”
Hamlet, vous savez, c’est ce garçon qui, pour venger la mort de son père, simule la folie. C’est lui aussi qui pense à mettre en scène une pièce qui révèlera la culpabilité de son oncle et de sa mère. Hamlet, c’est en résumé, une histoire de fou.
Si les fous devenaient audibles ? Si l’on acceptait de les écouter entre les lignes de leur démence, eux et elles qui nous offrent un accès direct à des vérités indicibles? A ces questions et au travers de la voix et du corps de Julia*n Meding, le metteur en scène dit oui.
Julia*n Meding a une présence totale. Iel convoque dans son jeu et son allure les grandes heures des directions allemandes. Iel nous fait penser à un mashup qui mixerait Thomas Ostermeier et le chanteur des Smashing Pumpkins, Billy Corgan. Iel se pose devant nous, le visage couvert d’un masque de loup, nous sommes au théâtre, et prend la parole pour nous mettre en garde : “ce corps n’existe que sur scène”. Iel nous dira aussi que ce que nous voyons n’est pas le premier acte, ni le deuxième d’ailleurs, non plus le troisième, ou encore le quatrième…
“J’ai le droit d’être vu comme normal”
Les références à la fin du XXe siècle pleuvent, que ce soit dans l’utilisation permanente du micro ou de la mise en abyme du vivant par la vidéo. C’est extrêmement étonnant, car ce que nous venons d’écrire n’est pas négatif, ce n’est pas une direction d’acteur-actrice figé dans une époque, au contraire. Il est génial de voir comment une esthétique très référencée dans un contexte vieux de trente ans peut être recyclée dans les questions d’aujourd’hui. Cet Hamlet-là est dégenré, il a dépassé ce qui l’enfermait depuis si longtemps.
La voix de Julia*n est nasillarde et constante. Elle ne monte pas, elle ne descend pas. Elle est fixe pour pouvoir tenir serrée dans ses silences l’attention parfaite du public. Ses phrases nous parviennent comme des déclarations qui nous engagent, en tant que spectateurs et spectatrices. “Le ticket (NDLR, billet de spectacle) est un contrat”.
“Un quatuor baroque multi primé”
Pour nous faire entendre la réalité de l’identité d’Hamlet, le metteur en scène utilise la musique. Guitare à la main, iel devient le fantôme de Kurt Cobain dans les textes écrits par Uzrukki Schmidt. A des temps précis, iel convoque sur scène le quatuor baroque Der musikalische Garten. Le clavecin et les cordes deviennent une chambre d’écho à la bande son grunge de la pièce. Cet Hamlet veut par tous les médiums possibles entrer dans les tripes du public. Le surgissement d’une vidéo documentaire vient nous gratter un peu plus. La folie est mise au rebut, les humains sont parqués comme des animaux d’élevage sans aucune possibilité de s’exfiltrer convenablement. Ces vrai.es folles et fous nous remuent par leur fragilité, de la même façon que cet Hamlet, parfois too much, nous saisit et nous donne envie de voir ce.cette comedien.ne partout, tout le temps, encore.
À voir ce soir, 28 juin à 20h, Teatro all Tese (Arsenal)
Visuel : ©Biennale
