Théâtre
Des fleurs pour Algernon : Des fleurs au parfum de triste tendresse

Des fleurs pour Algernon : Des fleurs au parfum de triste tendresse

16 October 2012 | PAR Sara Anedda

Au Studio des Champs Elysées, un roman de Daniel Keyes du 1966 – devenu un livre culte de la science-fiction – est mis en scène par Anne Kessler et interprété par Grégory Gadebois sous forme de monologue, de journal intime ; un texte touchant, profond et un comédien exceptionnel : le mix idéal pour une véritable bonne surprise.

Charlie Gordon fait partie de ces hommes qui ne sont pas trop chanceux de nature : son QI extraordinairement bas ne lui permet pas de mener une vie satisfaisante, son boulot quotidien étant de nettoyer les chiottes d’une usine, et d’être moqué par ceux qu’il croit être des amis, mais qui passent plutôt leur temps à rire de lui et à l’utiliser comme mascotte pour attirer les filles. De toute façon, il est trop « stupide » pour s’en rendre compte…

Charlie a quand-même une distraction dans ce train-train quotidien : les cours pour adultes de Mme Kinnian, qui lui permettent au moins d’apprendre à lire et à écrire (avec beaucoup de difficulté il faut l’avouer). L’attirance cachée et surtout inconsciente que Charlie ressent à l’intention de Mme Kinnian le motive beaucoup. Cet entrain manifeste incite l’enseignante à lui faire rencontrer les professeurs Strauss et Nemur, qui cherchent un cobaye humain pour réaliser une expérience médicale révolutionnaire. Suite à une opération chirurgicale sur une souris de laboratoire nommée Algernon, qui a permis à l’animal de démultiplier ses facultés mentales, les savants sont résolus à effectuer la même opération sur un homme, arriéré mental, comme Charlie.

Après l’intervention, le QI de Charlie commence effectivement à tripler et son esprit à s’élargir ; il apprend beaucoup de choses avec une grande facilité, davantage de notions et de disciplines comme les langues étrangères, l’histoire, la géographie ou la musique… Sa transformation, physique aussi, est exceptionnelle. Charlie n’est plus l’idiot d’autrefois, il se rend maintenant compte de la frustration de sa vie passée et des moqueries dont il était tout le temps victime. Il en souffre beaucoup, et en même temps reste seul, car les faux amis l’abandonnent maintenant qu’on ne peut plus se moquer de lui. Il perd son travail. Les gens qui ne sont pas au courant de l’opération qu’il a subi se méfient d’une telle transformation, tandis que les gens qui sont au courant s’intéressent à lui principalement pour la « valeur » scientifique que représente son cas. Pourtant, son intelligence, ses recherches et ses études remplissent maintenant sa vie.

L’attirance envers Mme Kinnian, Alice, devient consciente, et se transforme en sentiment. Un lien très fort se tisse également entre Charlie et Algernon, unis par la même aventure et par le même sort, qui ne tardera pas à tourner au tragique.

C’est une histoire crue et triste, sur l’innocence, l’amitié, la solitude et la légitimité de la science face aux valeurs humaines. La mise en scène est réduite à l’essentiel : Charlie est tout le temps seul sur scène, assis sur un fauteuil d’handicapé. Derrière lui, des grands néons et des grandes machines symbolisent les expériences médicales, la science et les hôpitaux…

Le texte est joué avec une justesse remarquable. On passe imperceptiblement de l’ironie déchirante à la tragédie. Charlie Gordon devient, sans que le spectateur s’en rende compte, un homme intelligent à l’esprit extrêmement subtil, et de la même façon il retourne à la condition d’arriéré mental, dans un mouvement apparemment très naturel. Le monologue dure une heure et vingt minutes, mais on ne voit pas le temps passer, tellement l’aventure du protagoniste nous passionne, chaque mot étant imprégné de sens, d’intensité et de vérité.

Le spectacle sera à l’affiche jusqu’au 31 décembre 2012 : il ne faut pas le rater !

 

De Daniel Keyes-

Adaptation Gérald Sibleyras

Mise en scène Anne Kessler de la Comédie-Française
Avec Grégory Gadebois
Scénographie Guy Zilberstein
Lumières Arnaud Jung
Son Michel Winogradoff

 

Visuel : (c) crédit ARTCOMART!

 

 

 

 

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