“Avant-propos”, récit dansé de l’ennui ordinaire
Le festival Paris Quartier d’Eté accueille en express la compagnie Toujours après minuit. Elle présente pour encore une date une création « Avant-propos », un spectacle inégal aux images fortes sur le mal être ordinaire.
« Ce sont les textes de Robert Walser (1878-1956) qui inspirent ce projet. Des petites proses, nouvelles, contes, poèmes, romans, dialogues de théâtre. Une grande partie de ces histoires a été rédigée par l’auteur sous la forme de « microgrammes » ; 526 feuillets couverts d’une écriture minuscule au crayon ont été retrouvés. Il faudra 20 ans de travail à deux germanistes pour déchiffrer et révéler un pan bouleversant de la création de cet auteur suisse. »
« Avant-propos » est la première partie d’un diptyque à venir. Dans un décor très inspiré de Bob Wilson, lumière blanche venant d’un bloc en fond de scène, sol jonché de gravillons joliment disposés, c’est d’abord la voix en allemand de Brigitte Seth qui vient par des modulations nous amuser. Elle traduit et donne le ton de la pièce : « Je m’appelle Helbling et je raconte moi-même mon histoire ici, car sans cela, il est probable que personne ne l’écrirait. Au jour d’aujourd’hui, où l’humanité est devenue raffinée à l’excès, cela ne présente plus rien de particulièrement curieux si quelqu’un comme moi s’installe sur un siège et commence à écrire sa propre histoire. Elle est courte, mon histoire, car je suis encore jeune, et je ne vais pas l’écrire jusqu’au bout, car j’ai vraisemblablement encore longtemps à vivre. L’élément marquant, chez moi, c’est que je suis un homme tout à fait ordinaire d’une façon presque exagérée. Je suis un homme pris dans la foule, et c’est justement cela que je trouve si étrange… »
Le spectacle enchaîne les nouvelles de Walser en confrontant une scénographie du froid, une chorégraphie mécanique et la musique répétitive au violon omniprésent de Giselle d’Adolphe Adam et Paul Hindemith.
Il n’est pas impossible de perdre le fil conducteur de ce récit qui peut sembler illisible au départ. Il suffit se laisser porter par la neige qui envahit le sol de la ville où ces deux âmes errent en rêvant d’une vie meilleure : « Je suis non » hurlent-elles ! Elles s’imaginent exerçant des métiers sexy : metteuses en scène, régisseuses, comédiennes…
A la très belle mise en scène, glaciale s’ajoute la musique obsessionnelle et la danse s’inspirant par touches de pas folkloriques qui s’ancrent dans un lieu figé. L’ensemble vient dire à chacun l’universalité de l’ennui quotidien et les fausses obligations sociétales. « Il faut bien faire quelque chose le dimanche », mais qui exige ?
« Avant-Propos » inscrit de belles images dans nos mémoires. La traduction du texte par la danse, la musique et la mise en scène fonctionne et donne sincèrement envie de se plonger dans l’œuvre de Walser