
Au Festival d’automne, des jeunes acteurs jouent un Casimir et Caroline énergique mais un peu léger
André Wilms réalise un beau travail de troupe en montant Casimir et Caroline dans le cadre des « paroles d’acteurs de l’Adami » pour le festival d’automne. Il signe une version fraîche, énergique, musicale, en clair-obscur de la pièce d’Odon von Horvath, empreinte d’un humour caustique et distancié qui vire parfois au cliché et rend le spectacle plaisant mais simpliste, sans supplément d’âme.
L’entrée en matière surprend et ravit. Chacun des dix jeunes acteurs issus de la sélection Talents Cannes Adami 2013 se présente l’un après l’autre comme lors d’un défilé de mode, il détaille son cv, ses mensurations, et surtout son numéro Pôle emploi, un moyen malicieux de faire entrer en écho son époque et celle des années 1930, chacune traversée par la crise économique. L’angoisse et la précarité qui touchent ces artistes aujourd’hui a visiblement quelque chose à voir avec celle que doit affronter Casimir. Il vient de perdre son emploi de chauffeur et se retrouve au chômage. Il aime Caroline, il a peur de la perdre. Elle, veut vivre, s’amuser, innocemment, et pourquoi pas avec des hommes plus âgés, plus chics et plus riches, tels un tailleur ou un patron, un rêve illusoire d’élévation sociale qui conduit les cœurs à l’errance et à la destruction. C’est ainsi qu’Horvath dépeint une jeunesse sans joie à la Fête de la bière.
Munich, ses longues tables et bancs de bois, ses chopes qui coulent à flot, l’atmosphère grouillante, étourdissante de la fête qui bat son plein sont illustrés dans un décor très simple, un poil littéral et par la bande-son évocatrice des attractions foraines. On devine au loin le fascinant zeppelin qui file sous les yeux ébaubis des acteurs, suspendus aux fenêtres, hurlant des hourras, rêvant d’ailleurs, un moment délicat comme le sont aussi tous les instants chantés en allemand. Mais est-ce la direction d’acteurs d’André Wilms, acteur fétiche du regretté Grüber et de Kaurismäki, ou bien la jeune troupe elle-même, certes pleine d’allant et au jeu très concret, qui fait plier le texte magnifique et ses personnages déchirants sous une approche « beaufisée », dessinant à gros traits les situations et les protagonistes et survolant ainsi la complexité de l’humanité vacillante qui est présentée ? Cette tendance fait défaut au spectacle qui manque d’âpreté et surtout d’émotion.
photo Vincent Pontet