Théâtre
A Ivry, une Antigone palestinienne

A Ivry, une Antigone palestinienne

25 March 2012 | PAR Christophe Candoni

Voir et écouter l’Antigone de Sophocle, intensément interprétée par les acteurs du Théâtre National Palestinien sous la direction d’Adel Hakim qui signe la mise en scène, c’est réentendre et comprendre sous un nouvel éclairage l’élan vital qui pousse l’héroïne à s’opposer et résister avec force contre l’injustice du pouvoir. D’où la nécessité de revenir sans cesse aux mythes fondateurs, toujours éclairants car ils entrent en écho avec l’histoire la plus actuelle. Comment ne pas penser à travers Antigone à la capacité d’un peuple entier à se soulever lors  du Printemps arabe il y a déjà un an.

Un haut mur métallique surplombe un large podium. La scénographie stylisée et dépouillée représente la place publique devant la façade du palais. Les éclairages s’y reflètent et baignent le plateau nu dans une atmosphère chaude et lumineuse. Le spectacle s’ouvre sur une procession funèbre tandis que le jour se lève accompagné par la très belle composition musicale du Trio Joubran. Les corps d’Etéocle et de Polynice, les deux fils d’Oedipe et frères ennemis qui se sont entretués, sont apportés sur des brancards recouverts d’un drap blanc. Le premier reçoit les honneurs de Créon, le second est interdit de sépulture par ce même roi. Antigone refuse cette décision au nom de la dignité et de l’amour qu’elle porte à son frère et souhaite enterrer Polynice contre son oncle qui gouverne le pays.

La mise en scène est simple, lumineuse et dépouillée, à la fois contemporaine et intemporelle. Créon (Hussam Abu Eisheh) est le représentant d’une classe politique peu différente de celle qui existe aujourd’hui, en costume strict et cravate, il s’adresse aux citoyens de Thèbes derrière un pupitre et dans un micro comme lors d’un meeting. Sévère, inflexible, il se trouve lui-même soumis à la loi qu’il promulgue mais maintient le cap pour affirmer son autorité et la défense de l’ordre, le sien. Face à lui, Shaden Salim est une Antigone d’aujourd’hui, combative et sensible. Avec Alaa Abu Garbieh, dans le rôle d’Hémon, ils sont de jeunes comédiens pleins de convictions, peut-être un peu trop volontaires mais portés par une belle énergie rageuse. Le jeu est dans l’ensemble bien unifié et investi. Grâce aux acteurs, la pièce nous concerne car elle parle de nous, de l’humain et du monde.

 

Crédit visuels Studio Casanova

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Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

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