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“Traces of Antigone” l’agora féministe d’Elli Papakonstantinou au Forum Vertigo

“Traces of Antigone” l’agora féministe d’Elli Papakonstantinou au Forum Vertigo

04 March 2021 | PAR Yaël Hirsch

Mercredi 3 mars, c’est via zoom que les spectateurs des deux pièces interactives de la réalisatrice, auteure, artiste visuelle Elli Papakonstantinou étaient invités à regarder et à participer en clôture du Forum Vertigo organisé par le Centre Pompidou. Nous avons assisté à Traces of Antigone à 19h15, alors qu’un deuxième volet,  Hotel Antiœdipus était prévu à 20h30.

Antigone sur l’Agora globale

“Welcome to the agora”. Les 70 spectateurs de cette tragédie européenne – mythe grec, texte  grec (Christina Ouzounidis), traductrice suédoise (Margarita Mellberg), organisateur français, réunion internationale via zoom – sont briefés avant d’entrer sur l’agora : ils et elles vont devoir ouvrir à temps leur caméra et faire partie du spectacle. Et surtout suivre les ordres de la metteuse en scène, Elli Papakonstantinou.  “Unmute”! Ça commence et Nalyssa Green chante une mélancolique chanson en grec, piano-voix. On entend un raclement de gorge. Et c’est parti pour une Antigone formée par un chœur de femmes en grec et anglais avec sous-titres, à travers les fenêtres de Zoom. Dédiée aux “filles absentes”, cette fresque créée pour le Festival Roma Europa, sous le label “Une nouvelle agora globale pour un méta-espace sans genre” avait lieu en physique et en streaming à la fois. Pour Vertigo, tout ce passe sur zoom. 

Zoom sur une esthétique du flou

Et en effet, zoom, il y a : lèvres béantes et rouges, vernis couleur sang. Le beat monte, l’image morcèle ces corps et bouches de femmes. A temps, les ordres tombent comme des coups. Et l’image se trouble, jouant avec les aléas (et la mauvaise qualité de Zoom). On ne sait pas trop si ce qui apparait à l’écran est très programmé et rien n’est jamais clair.  Des traits de lumières roses et pastels brouillent les visages, les membres. Même la fin n’est pas claire, on nous expulse de la salle principale après un générique de fin  où les diverses intervenantes font chacune leur clip. Mais en chat, la metteuse en scène s’énerve : THE SHOW IS NOT OVER. Dernière danse nue en talons, la bouche recrache l’innommable avant la vraie fin. 

Une Antigone féministe qui déconstruit le genre

Dans cette Antigone éminemment politique, les femmes déclament, les femmes chantent, les femmes se font écho mais jamais elles ne crient : c’est seulement et toujours l’image qui crie la disparition de la petite fille. L’évanouissement de celle qui brouille les genres :  “Elle n’est pas une femme, elle n’est pas une victime” nous dit justement le chœur des femmes. Antigone est à la fois Cassandre et Tiresias, celle qui reste sur le bord. En final, une chanson sucrée nous dit “Elle n’est pas un homme, elle n’est pas une femme, c’est une fille”.

Ici, donc, sur zoom, l’on déconstruit. Blow up, Zoom out…. Le beat reprend … Le final se fait main sur les yeux,  dents qu’on force à montrer, en hommage à toutes les filles qui disparaissent ensevelies. Mais l’espoir est là aussi puisque “Dire c’est révéler et quand in révèle quelque chose change”. Ici le changement est évoqué, on zoome et dézoome comme si l’on faisait cela depuis la nuit des temps. La parole est aux femmes mais on aurait peut-être aimé la voir et l’entendre encore plus clairement, même en plusieurs langues. 

Traces of Antigone, avec Nalyssa Green, Serafita Grigoriadou, Gemma Hansson Carbone, Valia Papachristou, Katerina Papachristou, Sophia Manoli. 

Visuels : © YH

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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