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“La Vita Nuova”, Castellucci s’empare du Paradis au Festival d’Automne

“La Vita Nuova”, Castellucci s’empare du Paradis au Festival d’Automne

20 November 2019 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Fidèle parmi les fidèles, Le Festival d’Automne accueille une nouvelle fois le roi Romeo. Ce spectacle est co-produit par la Grande Halle de la Villette qui transforme sa salle, comme en 2015,  pour nous plonger dans les moteurs des machines symboliques, philosophiques et bibliques du metteur en scène italien.

Castellucci, c’est l’homme qui régénère les âmes, qui affronte le visage du fils de Dieu, l’homme qui transforme Moïse en fils d’une femme actuelle, l’homme qui fait surgir Marie d’un trou noir, l’homme aussi qui plonge dans les enfers. L’italien a révolutionné la perception du théâtre en France, grandement grâce au travail conjoint de Bernard Faivre d’Arcier puis de Hortense Archambault et Vincent Baudriller successivement à la tête du Festival d’Avignon, conscients de l’urgence de dire par autre chose que les mots. 

L’enfer, l’apocalypse, la résurrection sont les fondamentaux de Castellucci qui avec La Vita Nuova sort de sa route sur le fond mais pas dans la forme. Dans la forme justement, il revient à ses racines, quand, à ses débuts, il présentait des œuvres à regarder. Depuis, il a souvent travaillé le verbe mais toujours comme un geste parmi les autres.

Ici, il transforme la Grande Halle en garage. Ce n’est pas la première fois. En 2015 pour Metope del Partenonec’était un défilé d’ambulances qui surgissait pour sauver, ou non, des vies. Nous étions 10 jours après les attentats, la vision était une sublimation d’un réel abominable. 

Cette fois c’est un autre garage. C’est le Paradis céleste. Les âmes ont des roues et sont encore dans leur linceul. La vision plastique est totalement folle. Debouts, nous sommes face à une vingtaine de voitures toutes cachées. La lumière est étrange, faite de néons dont certains, certains seulement, crépitent. Ceux qui sont au-dessus du public dressé, ceux qui sont finalement du côté des vivants aux portes de ce Paradis. Les gardiens de ce temple sont des hommes noirs, immenses. Ces bergers portent une chasuble et des chaussures de femmes, des sandales à brides de 4 cm de talon carré large. Leurs pieds sont une fusion entre ceux des pèlerins et des dames sages.

Mais alors, que vient dire le cérémonial qui a tout d’une procession ? Des objets sont posés, montrés. Par exemple, un cercle en or, une branche d’arbre, un tapis… Ce qui est célébré c’est la main de l’artisan, celui qui ne fait pas semblant. Car il nous sera répété que nous ne sommes pas libres, nous en dehors de ce Paradis.  

Dans cette pièce où tout est pesé, où tout est symbole, la voiture est malmenée, retournée. Elle cache des secrets qui sont autant de figures tutélaires de la tragédie, de la mort et du sacrifice. Tout est question de regard pour celui qui se considère comme “un artiste mineur qui voit l’artisan comme majeur”.  Il est drôle de sentir l’air du temps. En ce moment, Ivana Müller et Gaëlle Obiégly brodent aux Inaccoutumés, comme si il était urgent de revenir au geste primitif. 

Romeo Castellucci vient une nouvelle fois dépasser la réalité, dépasser la question de la finitude. Il est au-delà dans une épure du mot qui vient mettre à égalité le son, la lumière et le geste.

 

Jusqu’à samedi à 13h et 19h, dimanche à 13h, relâche jeudi.

Romeo Castellucci, “La Vita Nuova” © Veerle Vercauteren

 

Infos pratiques

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Alexander Mora-Mir

One thought on ““La Vita Nuova”, Castellucci s’empare du Paradis au Festival d’Automne”

Commentaire(s)

  • Jacques Rougeon

    Spectacle essentiel. Mais une question se pose (même si cela a l’air bête): l’articulation des acteurs pose problème (comme le surtitrage, difficile à lire). S’agirait-il de “fondre” la parole dans l’ensemble de la vision donnée au spectateur?

    November 22, 2019 at 0 h 35 min

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