Performance
Ivana Müller et Gaëlle Obiégly brodent minutieusement le monde aux Inaccoutumés

Ivana Müller et Gaëlle Obiégly brodent minutieusement le monde aux Inaccoutumés

20 November 2019 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Le festival d’automne de la Ménagerie de Verre se nomme les Inaccoutumés car on y voit des spectacles qui cultivent la mise à distance de tout ce qui existe. En brodeuses de mots, la chorégraphe et l’écrivaine s’attaquent à une lourde toile.

Entre-deux nous place entre le petit et l’immense. La finesse de l’aiguille qui transperce le grand drap. Elles sont deux et viennent faire surgir ce que le tissu cache. Il comporte des petits trous, des marques du temps qui passe, que leurs gestes vont révéler. Pendant toute la pièce, elles vont faire un acte : broder avec des fils de laine recyclés d’anciens pulls. Elles ne parlent pas, enfin par directement. Leurs voix sont off, diffusées au plateau.

Le texte est une broderie. Délicat et doux dans la forme, mais qui pique et transperce dans le fond.

“Les mots sont des objets matériels”

Entre-deux s’affaire à l’état actuel des choses. Il est question de soumission et de consentement, de recyclage et de crise économique. Avec un charme immense, Ivana Müller et Gaëlle Obiégly écrivent la nécessité de garder la trace du passé. La subtilité du geste, qui insiste sur les mains et les doigts est réellement un outil d’écoute. Elles font passer les mots, parfois durs. La pièce pourrait durer infiniment, nous sommes ailleurs avec elles, dans un temps où les femmes se rassemblait autours de leurs ouvrages, longtemps, très longtemps. 

Entre-deux est vraiment entre-deux, entre la danse et la poésie, entre le théâtre et la psychanalyse. Cette discussion d’amies aux allures informelles prend tout son sens, tout son poids, par la présence de cet objet, ce grand drap qui, le dit les artistes, est “lourd”. Dans ce spectacle où rien n’est au premier degré, où tout se fait et se défait, tout rappelle que l’oubli est un processus plus long que la disparition.

La réminiscence d’un geste ancien, d’un monde disparu se fait sans nostalgie, c’était inéluctable. D’ailleurs, au commencement, elles tissent un rond, un rond rouge, vraiment rond, ce qui n’est pas simple avec du fil et une aiguille, rappelons le. Revenir à l’essentiel, faire le tour de la question sans trouver de réponse, et surtout rappeler que l’on peut exprimer ses interrogations avec sérénité, c’est tout cela que Ivana Müller et Gaëlle Obiégly parviennent à exprimer.

Le festival se poursuit jusqu’au 7 décembre. Tout le programme est ici.

Visuel : © Ivana Müller

 

 

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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