Performance
“Je vois, venant de la mer, une bête monte”, Christine Armanger sublime l’apocalyspe

“Je vois, venant de la mer, une bête monte”, Christine Armanger sublime l’apocalyspe

16 February 2023 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Rien ne va plus. Autant en faire un spectacle. Pour Faits d’Hiver, Christine Armanger s’attaque aux visions médiévales de saint Jean pour les basculer ici et maintenant en 2023, entre développement personnel désemparé et pénitence espagnole. Beau et déroutant !

Tout commence par la vision d’un dinosaure. L’image est immédiatement amère. Évidement, c’est super drôle de voir dans les lumières progressives et super léchées de Philippe Gladieux et Thomas Cany cette apparition digne d’une fête foraine. D’entrée de jeu, la comédienne, autrice et danseuse déphase.

Tout au long de ce beau spectacle, et un peu à la façon dont le fait en ce moment avec ses trois contrefaçons Laurent Bazin, avec lequel elle a d’ailleurs travaillé sur ce spectacle, elle souffle le chaud et le froid. 

A la manière de Romeo Castellucci, d’Yves Noël Genod, ou d’un Jan Fabre qui serait encore fréquentable, elle pose des objets, des images et leur accumulation fait sens. 

En 2013, Christine Armanger questionnait le désir, en 2020, elle s’attaquait enceinte de neuf mois à la mort de son père, et ici et maintenant, elle regarde en face la fin du monde.

Elle compose une œuvre totale, qui est autant une installation plastique qu’une performance. L’engagement au plateau de Christine Armanger est total, elle n’occupe pas le grand espace, elle le domine. Elle passe d’un récit faussement important à un cours de yoga faussement anecdotique.

Plus elle avance, plus la beauté surgit, comme une réponse à nos grandes inquiétudes.  Il y a cette scène où elle devient les quatre chevaliers de l’apocalypse et où elle semble vraiment s’envoler. La bande son est aussi là pour nous décaler. La nostalgie du Caruso et la colère de Greta Thumberg remixée en électro donnent à l’ensemble encore plus d’instabilité.

Et c’est bien cette instabilité-là qui est la force de Je vois, venant de la mer, une bête monte. Notre monde a les chairs à vif, tout comme le motif improbable du costume de Christine. Notre monde brûle, tangue, s’effondre.

La bonne nouvelle que nous fait entendre ce spectacle, c’est que ce n’est pas la première fois. Si les mots de Jean traduits de l’hébreu par André Chouraqui sont aussi un poème, c’est qu’ils sont éternels. Ce n’est pas la première fois que les êtres vivants doivent muter. Autant le faire avec beaucoup de talent (et de travail !) et une lumière sublime.

À voir ce vendredi 17 février, au Théâtre de la Cité Internationale à 20h30. Durée 1h.

Visuel © Salim Santa Lucia

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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