Danse
Le Palais Garnier rend un hommage grand-écart au chorégraphe Georges Balanchine

Le Palais Garnier rend un hommage grand-écart au chorégraphe Georges Balanchine

16 February 2023 | PAR Juliette Brunet

À l’affiche du Palais Garnier jusqu’au 10 mars, deux pièces du chorégraphe russe font leur entrée au répertoire de l’Opéra de Paris. Leur succession dessine l’évolution chorégraphique de Balanchine, où s’exprime un amour indéfectible de la danse, qu’elle soit académique ou populaire. Et surtout de sa volonté, toujours renouvelée, de faire du ballet une visualisation de la musique, une métamorphose du son en mouvement. 

Sous la coupole colorée par Chagall, se succèdent deux ballets de Georges Balanchine, qui n’ont pour point commun que leur virtuosité chorégraphique. Tandis que Ballet Impérial s’apparente à un pur exercice académique, enchaînant des mouvements techniques sur un concerto de Tchaïkovski, Who Cares ? est une succession de tableaux sur des chansons de Georges Gershwin, où se mêlent danse académique et music-hall.

Ce programme grand-écart condense l’évolution des créations du chorégraphe russe, symbolisée par son envolée de Saint-Pétersbourg pour Broadway. Ballet Impérial dépeint son pays natal, rend hommage au style classique appris aux Théâtres impériaux de Russie, et au chorégraphe français Marius Petipa, que Balanchine considérait comme son « père spirituel ». Mettant en mouvement la musique de Tchaïkovski, ce ballet témoigne de l’attachement viscéral du chorégraphe au compositeur : c’est grâce à La Belle au bois dormant que le jeune garçon est tombé amoureux de la danse. Traversant l’Atlantique, Balanchine débarque à New York en 1933, où il deviendra le directeur du New York City Ballet. Avec Who Cares ?, l’artiste illustre la beauté mélodique des morceaux de Gershwin et l’ambiance phénoménale des comédies musicales de Broadway.

Ballet Impérial : des danseuses idéales dans une Russie rêvée  

Crée en 1941, Ballet Imperial a été créé en 1941 par l’American Ballet Caravan sur le Concerto pour piano n°?2 de Tchaïkovski. Hommage à la grandeur de la Russie et aux deux plus grands artisans du ballet classique : Marius Petipa et Piotr Ilitch Tchaïkovski. George Balanchine y célèbre de manière brillante la virtuosité technique du ballet académique. En ouverture, dans un décor épuré, les danseurs, aligné côté jardin, marchent vers leurs futures partenaires, avant de les saluer successivement. En infériorité numérique, ils seront au service des ballerines durant toute la pièce. Balanchine érige les danseuses en véritables impératrices, présentant une image fantasmée de la ballerine dans une Russie rêvée.

Cette pièce est imprégnée des codes du ballet classique, transfigurant les danseurs – et surtout les danseuses – dans une harmonie idéale et une technique parfaite. Balanchine multiplie les références aux ballets de Petipa, dont il a interprété un grand nombre. Dans le premier mouvement, le corps de ballet, essentiellement féminin, alterne les compositions circulaires et anguleuses, autour d’un couple, où la danseuse capte toute la lumière avec une démonstration académique éblouissante. Elle nargue son partenaire de sa grâce. Cette structure binaire cédera la place à un trio mixte (les premier.e.s danseurs et danseuses Héloïse Bourdon, Audric Bezard  et Hannah O’Neill), où la soliste apparaît une nouvelle fois sous les traits d’une reine inaccessible. Les lignes de géométrie se cessent de se reconfigurer, les couples se reforment sans faire d’ombre à la soliste, pour s’unir dans un final surpuissant.

 

Who Cares ? : désinvolture et technique sur les airs de Gershwin

Ce second ballet s’émancipe de la rigueur classique, pour assouplir et désarticuler les silhouettes de ces 24 danseurs. Après avoir signé plusieurs mises en scène de comédies musicales, Balanchine en reprend les codes dans Who Cares ?. Créée en 1970, par le New York City Ballet, cette pièce fait défiler les scènes comme des numéros, sans trame narrative. Jouant avec les appuis, la danse se fait plus libre, plus affranchie, osant des pas de twist et des balancements de hanche. Sur les célèbres morceaux de Gershwin, Balanchine nous offre un délicieux mélange entre la technique du ballet classique et l’exaltation des comédies musicales.

En toile de fond, les gratte-ciel de Manhattan, qui ondulent pour prendre des poses impossibles. S’enchaînent des tableaux bondissants, dans lequel le chorégraphe a de nouveau valorisé la danse féminine, dans le corps de ballet comme dans les soli (les étoiles Léonore Baulac, Valentine Colasante et Germain Louvet, que Célia Drouy pour le moment “seulement” coryphée rejoint). Les danseurs s’enlacent et s’empoignent comme au dancing, esquissent des pas de claquettes, enchaînant des portés aussi acrobatiques que délicats. Cette mise en corps de dix-sept chansons de Gershwin illustre la fraîcheur et la modernité de sa musique. Si les airs apparaissent ludiques et les chorégraphies divertissantes, elles témoignent du génie des deux artistes, qui ont su allier exigence académique et divertissement populaire.

Cette célébration de la danse, oscillant entre démonstration et divertissement, sait tout autant impressionner que séduire. Ce programme mêle les influences russes, françaises et américaines qui ont imprégné le parcours et les chorégraphies de Balanchine. S’il a su mettre à l’honneur les ballerines de la Russie impériale et la beauté mélodique de Gershwin dans ces deux ballets, le Palais Garnier lui rend un bel hommage en les faisant entrer dans son répertoire.

 

Distribution du mercredi 15 février 

Ballet Impérial 

Première soliste femme principale : Héloïse Bourdon (Première danseuse)

Premier soliste homme principal : Audric Bezard  (Premier danseur)

Deuxième soliste femme principale : Hannah O’Neill (Première danseuse)

Who Cares ?

Man I Love : Léonore Baulac  (Etoile)

Embraceable You : Valentine Colasante (Etoile)

Who Cares : Célia Drouy (Coryphée)

Soliste homme : Germain Louvet (Etoile)

Palais Garnier – du 06 février au 10 mars 2023

Visuel : ©Agathe Poupeney

 

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