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Mat Collishaw: Une vision dystopique du Requiem de Fauré.

Mat Collishaw: Une vision dystopique du Requiem de Fauré.

17 February 2023 | PAR Jean-Marie Chamouard

 

Le 15 et 16 Février 2023 Insula Orchestra et le Chœur de chambre Accentus interprètent, sous la direction de Laurence Equilbey, l’Oratorio Saint François d’Assise de Charles Gounod et le requiem de Gabriel Fauré, mis en images par la vidéo de l’artiste britannique Mat Collishaw.

La mort comme une délivrance. Elle est l’aboutissement d’une exaltation religieuse pour Charles Gounod, un apaisement pour Gabriel Fauré. Charles Gounod (1818-1893) a écrit son Oratorio «Saint François d’Assise», à Rome à la fin de sa vie. Le manuscrit a été perdu, puis retrouvé dans un couvent en 1996 et crée la même année au festival d’Auvers sur Oise. Nous entendons ce soir la version orchestrale du Requiem de Fauré, crée au palais du Trocadéro en 1900 alors que sa composition avait débuté dès 1887. Mat Collishaw est britannique, photographe et artiste visuel. Le requiem est accompagné par sa vidéo «Sky Burial, un enterrement dans le ciel» Elle s’inspire d’une pratique qui avait lieu au Tibet lorsque le sol gelé et le manque de bois ne permettaient ni enterrement ni crémation. Le ciel et les faucons servaient alors de sépultures aux défunts. Mat Collishaw veut ainsi questionner notre rapport à la mort et à la nature. L’orchestre Insula et l’ensemble Accentus sont dirigés par leur fondatrice, Laurence Equilbey. Une direction sobre, précise, élégante.

Un oratorio animé par la passion religieuse:

Saint-François d’Assise est en prison. Les cordes débutent seules une mélopée lancinante, rejointes ensuite par l’orgue. Le ténor Amitai Pati débute l’Agnus Dei, la prière du saint à son sauveur. Sa voix est douce chaude très mélodieuse. «Comme le cerf soupire», François aspire au sacrifice.C’est un chant d’amour très beau à la fois tendre et exalté. Il obtient la réponse du Christ: le baryton Samuel Hasselhorn chante le Christ depuis le premier balcon, dominant la scène. Rassurant, il lui parle comme à un fils. Cordes pincées, bois, timbales, l’atmosphère de la deuxième partie est lugubre. François doit mourir. Alors que l’orchestre traduit l’inquiétude, le saint bénit la ville d’Assise. Un chant d’une grande douceur, d’une grande sérénité. Les chœurs des hommes implorent Dieu de sauver François. «Prends ton envol vers les cieux» chante le chœur des femmes. La mort est une consolation, une délivrance. François s’éloigne de la scène et l’orchestre joue seul apaisé.

Une si belle musique, délicate et poétique

Requiem aeternam. Les premiers accords de l’orchestre sont dramatiques mais dès l’introït, les chœurs d’une grande douceur. C’est une imploration , la recherche d’une consolation. L’offertoire est un moment de recueillement. La mélodie apporte la paix, le solo de Baryton met en valeur la profondeur de la voix de Samuel Hasselhorn . Lors du sanctus les chœurs d’hommes deviennent puissants majestueux , à la gloire de Dieu, puis les Hosannah s’éloignent peu à peu. Un enfant de la maîtrise des Hauts de Seine chante le célèbre Pie Jésus Une voix d’une grande pureté au service de cette si belle, si célèbre mélodie.Un moment de grande émotion pour l’auditeur.La sérénité est complète. Le «libéra me» est une supplique , douloureuse, inquiète . La voix du baryton paraît venir de l’au delà, l’orchestre évoque un orage émotionnel, c’est la partie la plus dramatique de l’œuvre. Mais la sérénité est retrouvée dans le chœur final «In Paradisum»

Une vidéo déstabilisante

La vidéo de Mat Collishaw intensifie la dimension dramatique du Requiem. Son caractère dystopique tranche avec la sérénité de la musique de Fauré. L’œuvre est contrastée: les images de vol d’oiseaux et de rivières évoquent l’harmonie de la nature. La grande tour, dont il ne reste qu’une carcasse, laisse supposer un malheur récent. Elle contraste avec la beauté des paysages. La caméra pénètre dans les chambres des mourants. C’est impressionnant , le spectateur touche la mort de très près comme on ne le représente que rarement dans nos sociétés . Cette vision de vieillards en fin de vie peut être dérangeante même si les mourants sont calmes, ne paraissant pas souffrir, entourés de leurs proches . Le festin des vautours est une transgression anthropologique. La scène est très dure presque insoutenable et aurait pu être simplement suggérée. Mais comme dans le Requiem le calme revient avec les vues finales sur la mer où tout se dissout, terminant le cycle de la vie.
L’union à la fois harmonieuse et contrastée de la messe des morts et du film confère une grande intensité émotionnelle à cette soirée. Les auditeurs étaient tous figés,impressionnés. Un concert qui nous interroge sur notre rapport à la nature et nous met face à notre destin de mortel. Comme rarement. Mais avec la beauté de la musique de Gounod et de Fauré comme consolation.

Visuel:© JMC

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Jean-Marie Chamouard

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