
Gabriela Carneiro da Cunha exorcise le barrage de Belo Monte au Centre Pompidou
L’artiste, performeuse et chercheuse brésilienne Gabriela Carneiro da Cunha prend possession de la scène du Centre Pompidou. Altamira 2042 est une transe, un rituel, un exorcisme. C’est aussi un super spectacle.
Si le fleuve parlait, il pleurerait
Au commencement, nous sommes placés dans la pénombre. 7 femmes ou personnes se sentant telle se sont désignées pour accompagner ce qui a tout d’un rituel. Il n’y pas d’espace de scène. Le public est assis sur le sol ou sur des chaises de part et d’autre. La première partie du spectacle est une mise en situation d’écoute. Les volontaires et l’artiste activent de petits haut-parleurs lumineux, multicolores. Chacun a son propre son. D’abord l’eau, puis des voix, des insectes, un ruisseau, des oiseaux. Puis les yeux s’en mêlent. Nous fixons ces boîtes qui étaient source de douceur et de nature, devenir, juste en étant empilées, des machines affreuses, le symbole, on le comprend ensuite, du fleuve Xingu. Au Brésil, la construction du barrage hydroélectrique de Belo Monte, troisième plus grand barrage fluvial mondial, crée en effet depuis 2012 une catastrophe écologique massive, ravageant la faune et la flore locales, forçant le déplacement de milliers de personnes, loin des abords du fleuve Xingu. Aujourd’hui le barrage est tombé et Lula n’a pas reconduit cet odieux projet.
Les femmes sont proches de la croyance
Par sa performance, Gabriela Carneiro da Cunha cherche à “Amazonizer” la forêt. Son corps est un acte fort qui se dresse, nu et puissant. Elle est les éléments, le feu et l’eau (on apprend que l’eau qu’elle manipule pour les représentations parisiennes est un mélange tiré du libre Xingu et de la domestique Seine). Elle les incarne pour les transmettre. Sa place dans l’espace fascine. Elle a la force d’un Steven Cohen ou d’une Phia Ménard. Elle dirige, le visage désormais robotisé, les serpents symboliques qui doivent être libérés, selon une coutume, pour que le fleuve soit libre. Les images qu’elle provoque sont implacables.
C’est donc dans un état de transe qu’elle nous place, si on y consent. Elle ne cherche pas à être confortable, ni agréable. La situation est bien trop grave. La pièce rappelle que “le stylo est une arme”. “Ceux qui ont provoqué la crise climatique seront les moins touchés par celle-ci”. La pièce nous envahit, nous remet, nous occidentaux, au centre de nos responsabilités.
En nous concentrant autour de son sujet, Gabriela Carneiro da Cunha nous enivre de bruits, d’images et de paroles. Elle saura parfaitement clore sa séance, autour d’un feu éternel.
Tout n’est pas perdu, le fleuve est presque libre aujourd’hui. La concession du barrage n’a pas encore été renouvelée par Lula. L’espoir et là, et symboliquement au moins, tous les soirs, les eaux jaillissent sans contrainte.
Du 16 au 19 mars, au Centre Pompidou
Des rencontres sont organisées avec l’artiste et ses invités en marge des représentations les jeudi 16, vendredi 17 et samedi 18 mars.
Visuel : ©Nereu Jr