Danse
“Figures”, les natures mortes en ultraviolet de Caroline Breton et Charles Chemin en ouverture de l’Etrange Cargo

“Figures”, les natures mortes en ultraviolet de Caroline Breton et Charles Chemin en ouverture de l’Etrange Cargo

16 March 2022 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Oh joie ! Après une édition annulée en 2021, l’Etrange Cargo, le festival de performance de la Ménagerie de Verre se tient en bon et due forme ( formes ?). En ouverture, Caroline Breton et Charles Chemin ont rendu la pinède fluorescente. Doux, beau, enveloppant et forcement… étrange !

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Nous avions laissé Caroline en plein sacre du Printemps à la Pop en décembre dernier. Natura Rerum était déjà un flux où la végétation était au centre. Pour Figures, elle apparaît en contre-jour, derrière une toile d’araignée jaune fluo. A vrai dire, on pensait avoir tout vu à la Ménagerie, cet ancien garage que Marie-Thérèse Allier, toujours aux commandes, a transformé en studios de danse et salle de spectacle en 1983.

Et on doit écrire cette phrase tous les ans en réalité ! On se souvient de Génod sculptant l’espace noir de la Ménagerie de verre en tant qu’énigmatique palimpseste dans un très chic accident, de Lou Doillon dans la prairie d’Arthur Nauzyciel ou de la troublante immersion épileptique de « @ ». Arrêtons là l’argumentaire par l’exemple.

Et si nous avions déjà vu Ivana Müller travailler le tissage; jamais tissage n’avait été fait de cette façon là. En fluo électrique. A ce stade là Caroline Breton n’est donc qu’une silhouette, et on devine une ballerine. Une ballerine exfiltrée d’une soirée tectonique et qui tisse donc.

La lumière du sud

Une voix robotisée de petite fille dit peu ou prou “J’ai grandi dans le sud, et la lumière me manque, j’ai acheté une lampe pour retrouver la lumière du sud à Paris”. Et on comprend vite que toute la pièce va nous amener à retrouver cette lumière. C’est comme de la science-fiction, un monde où ça y est, les arbres sont morts, la lumière est morte. Pour se souvenir que cela a eu lieu il faut recréer la sensation. Caroline Breton, désormais en lumière et habillée tout en rose, s’emploie à tracer neuf diagonales sur jambes tendues où les bras tirent en arrière. Une seule phrase chorégraphique, simple, par ligne. Cela pourrait être drôle, lié à l’allure de la danseuse et à son accoutrement, mais c’est tout le contraire. La sensation est celle d’une tristesse contemporaine qui donne envie de se lover sur un sol confortable. La musique composée par Dom Bouffard est parfaite. Elle allie l’électro et le rock là encore, dans une atmosphère du début du siècle. Charles Chemin lui, à la lumière et à la direction nous demande de regarder le soleil en pleine face, mais un soleil qui n’éblouit pas, un soleil qui se fade sur la mer, qui disparait, laissant une trace rouge. Plus tard, les arbres reviendront reprendre racine, tenter de pousser sur le sol en béton du Off de la Ménagerie, et là, cela donne un peu d’espoir.

Figures offre une succession d’images superbes qui donnent toutes envie de les capturer. Finalement, ce spectacle est une vanité qui met non pas sous cloche mais sur scène la beauté de nos mondes presque engloutis.

Le festival se poursuit jusqu’au 9 avril, tout le programme est ici

Visuel : ©Affiche Etrange Cargo

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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