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Se perdre dans la forêt au défi du temps avec Ivana Müller

Se perdre dans la forêt au défi du temps avec Ivana Müller

19 November 2021 | PAR Blaise Campion

Dans le cadre du festival Les Inaccoutumés 2021, se jouent jusqu’à samedi à la Ménagerie de verre les Conversations déplacées d’Ivana Müller. L’auteure et chorégraphe propose dans ce spectacle une immersion sensorielle dans une forêt, où le spectateur suit les pérégrinations ralenties de quatre personnages dont les conversations animées oscillent entre questions futiles et existentielles.

La forêt, un lieu à la fois paisible et effrayant

Des bruits de faune et de flore sauvages, une luminosité qui imite celle que produisent les rayons du soleil lorsqu’ils traversent la cime des arbres, une plante tropicale au milieu de la scène et plus tard de l’eau qui serpente en forme de ruisseau, toute la mise en scène participe efficacement à une immersion sensorielle du spectateur. Perdus dans cette forêt imaginaire, quatre personnages interprétés par Hélène Iratchet, Julien Lacroix, Anne Lenglet et Vincent Weber, habillés en randonneurs, se meuvent d’une façon pour le moins originale : tous leurs déplacements se font au ralenti, par des mouvements amples à l’inertie reposante.

Encore que par moments, ce tableau idyllique s’assombrit brusquement. Un bruit, une odeur, un mouvement suspect et “Chuuuuut” : les personnages, inquiets, chuchotent. Ces instants qui ne durent jamais longtemps rappellent que la forêt est un endroit à la fois paisible et effrayant, lieu de vie originel de l’humanité dont celle-ci a fini par s’extraire sans doute pour mieux en fuir les dangers. Au cours de la pièce, un de nos aventuriers disparaît d’ailleurs sans jamais plus donner de nouvelles.

Un conte philosophique

La pièce est rythmée par les conversations des personnages, en apparence banales, mais qui charrient sans en avoir l’air des interrogations profondes sur l’homme, son rapport à la nature, le sens de son existence… Le ton de la pièce emprunte volontairement au style du conte philosophique, ce genre littéraire du XVIIIe siècle dans lequel s’est notamment illustré Voltaire, où le fabuleux et l’absurde côtoient l’argumentation et l’esprit logique.

La lenteur des personnages est en elle-même une réflexion sur le rythme effréné de nos sociétés modernes : “Résister à cette agitation constante et collective qui nous rend tous de plus en plus fou !” affirme l’un d’entre eux. Ici, le temps n’a plus de prise, il est comme suspendu. “Depuis combien de temps on est là ?” demande quelqu’un. Personne ne sait si cela se compte en jours, en mois ou en années.

On s’interroge alors, puisqu’on en a tout le temps, sur le lien qui unit l’homme à la nature : fait-il partie du vivant, ou est-il une espèce profondément à part ? La forêt, quand on l’observe attentivement, est une vaste source de réflexion avec ses arbres dont les racines communiquent sous terre sans qu’on s’en aperçoive, ou ses plantes qui préfèrent laisser leur destin entre les mains d’éléments qu’elles ne maîtrisent pas. Que fait l’homme dans tout ça ? Quel est le but de son existence ? Autant de questions qu’abordent, avec humour et sans manquer d’esprit, les Conversations déplacées d’Ivana Müller.

 

Informations pratiques :

Le spectacle se joue à nouveau vendredi 19 et samedi 20 novembre à la Ménagerie de verre. Informations et réservations ici.

Le festival les Inaccoutumés 2021 se poursuit quant à lui jusqu’au 11 décembre. Plus d’informations ici.

Visuel : © Rolf Arnold

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