Cécile Garcia Fogel est Valérie Solanas aux Amandiers : “Punk et léger”
Du 17 mars au 8 avril, Cécile Garcia Fogel est Valérie Solanas dans La faculté des rêves, la dernière création de Christophe Rauck, rencontre avec celle qui campe l’autrice de Scum Manifesto.
Vous avez déjà travaillé avec le metteur en scène et directeur des Amandiers Christophe Rauck. Qu’est-ce que cela fait de le retrouver ?
Travailler avec un metteur en scène que l’on connaît permet de retrouver un langage commun. Certains acteurs peuvent avoir tendance à se considérer comme facilement consommables, d’un metteur en scène à l’autre. Beaucoup d’acteurs savent qu’ils ont besoin de retrouver un discours artistique dans lequel ils développent une certaine manière de faire. Par exemple, Jean-Pierre Vincent, qui était mon professeur au Conservatoire, s’arrêtait sur le texte. Aucune phrase n’était laissée au hasard et la capacité pour l’acteur de proposer était assez réduite. Il emmenait l’acteur par sa propre lecture du rôle. Jean-Pierre Vincent n’aimait pas quand je lui proposais des éléments liés à l’espace scénique. Avec Christophe Rauck, c’est l’inverse, même si il a un rapport au texte évident. Son travail est plus instinctif. Nous nous comprenons vite. Il y a un langage du corps qui est mis au même niveau que celui du texte.
Vous avez un parcours plutôt classique, loin de cet aspect instinctif.
Je suis une actrice formée au Conservatoire mais je suis un peu punk dans ma démarche (rires). On m’a proposée de rentrer à la Comédie-Française mais je n’ai pas voulu. J’ai toujours rêvé de rentrer au Théâtre du Soleil. J’ai réalisé un stage avec Ariane Mnouchkine à 19 ans. Mais je n’y suis pas restée, ayant envie d’être “une actrice de textes”.
Ensuite, j’ai rencontré Simon Abkarian, que j’ai mis en scène dans Le marchand de Venise. Lui était au Théâtre du Soleil. J’ai aussi rencontré Georges Bigot et c’est par eux que j’ai d’ailleurs connu Christophe Rauck.
En réalité, j’étais attirée par des gens plus instinctifs, car j’ai été formée par le metteur en scène turc Mehmet Ulusoy. Je l’ai eu lorsque j’ai étudié Rue Blanche. Il hurlait et nous comprenions tout à l’instinct. Avec lui, nous faisions des impros. Je pense que j’ai eu conscience que j’aimais les deux : les gens de l’institution et les autres.
Vous allez jouer « La faculté des rêves » de Sara Stridsberg. Connaissiez-vous ce texte ?
Christophe Rauck cherchait depuis un moment une œuvre contemporaine avec un grand rôle de femme. C’est notre idée commune. Nous avons travaillé ensemble auparavant, par exemple pour L’Araignée de l’éternel d’après Claude Nougaro au Théâtre de la Ville. Donc oui, je connaissais ce texte. En réalité, il s’agit de deux textes :« La faculté des rêves » est un roman et « Valérie Solanas veut devenir présidente de l’Amérique » est une pièce : nous avons mélangé les deux. C’est la même histoire et le dramaturge de Christophe Rauck a fait une adaptation pour avoir plus de marge. D’ailleurs, sur scène, je ressens l’énergie d’un montage. La continuité dans le rôle se trouve dans la mise en scène de Christophe Rauck.
Le rôle principal est celui de Valérie Solanas. Qui est-elle ?
C’est une visionnaire féministe radicale qui a eu une enfance très violente. Elle était très brillante mais issue d’un milieu très pauvre. Elle a eu la chance de rentrer à l’université américaine et d’être Docteur en psychologie. Elle écrivait des pièces et est devenue lesbienne à la fac. Elle a alors commencé à faire des expériences sur des souris pour voir si l’on ne pouvait pas créer une société sans hommes, un peu comme les Amazones. Elle a développé sa théorie. Ses professeurs la soutenaient tout en pensant qu’elle était folle. Tout était lié à son histoire personnelle. Elle a été victime d’inceste.
Elle revendiquait son statut d’artiste et de chercheuse et ne voulait pas que l’on définisse sa personne et son acte de tirer sur Andy Warhol, parce qu’elle avait été violée par son père. Elle a écrit ce manifeste intitulé le « Scum Manifesto » où elle développait l’idée de supprimer le sexe masculin.
Andy Warhol a flashé sur elle par intérêt. Elle lui a raconté ses histoires sordides et lui a fait lire sa pièce. Il lui a dit que cela serait intéressant de produire l’œuvre mais il ne l’a jamais fait et ne lui a pas rendu. Il a perdu son manuscrit qui était unique. Alors, elle a un pris un flingue et a tiré sur lui. Elle a revendiqué son acte devant la Cour américaine en disant qu’elle n’était pas folle. Elle était prête à aller sur la chaise électrique. Elle a clamé qu’elle était une artiste et qu’on lui avait volé sa pièce.
« La faculté des rêves » raconte cette histoire…
Il y a une part de folie chez elle. Elle dénonçait un système de l’art où Warhol utilisait les « freaks », c’est-à-dire les drogués, les prostituées, pour les filmer. Elle avait tout compris.
Vous avez un rapport très direct à la tragédie, notamment avec Iphigénie. La voyez-vous comme une tragédienne ?
Oui, et j’ai aussi joué Richard III avec Joël Jouanneau. J’ai interprété des dictateurs et des tragédiennes ! (rires). Concernant Valerie Solanas, je voulais qu’elle soit un peu insupportable. J’avais envie de m’amuser. J’avais envie que ça soit un peu punk et léger !
Visuel :© Géraldine Aresteanu
Du 17 mars au 8 avril au Théâtre Nanterre Amandiers. Informations et réservations ici