Opéra
Macbeth à l’Opéra de Nice : une flamboyante réussite orchestrale et vocale

Macbeth à l’Opéra de Nice : une flamboyante réussite orchestrale et vocale

25 May 2022 | PAR Paul Fourier

L’opéra de Verdi bénéficie de la direction tonique de Daniele Callegari et d’une bonne distribution. La mise en scène, qui perd la magie de Shakespeare en route, est trop chargée pour convaincre.

Si Macbeth est encore considéré comme un opéra de jeunesse de Verdi, l’on touche probablement là à l’un de ses premiers chefs-d’œuvre. Cela étant, créé en 1847 à Florence, l’œuvre sera remaniée pour Paris en 1865, et la version définitive italienne verra le jour à Milan en 1874.
C’est donc à l’aune de ces transformations que l’on peut juger de la qualité de l’œuvre qui nous est présentée en ce dimanche après-midi.

Le chef, Daniele Callegari, a tenu à respecter intégralement la partition définitive, en y intégrant notamment le ballet écrit pour Paris. En l’occurrence, celui-ci, – qui a été nommé en début de saison Chef principal de l’Orchestre Philharmonique de Nice – fait des merveilles dans la fosse. Il adopte une rythmique souvent rapide, toujours tendue, mais jouant des cordes, des cuivres et des percussions, il s’attache à chercher les finesses de la partition et à faire émerger les contrastes, comme lorsqu’il alourdit sa baguette au dernier couplet du Brindisi de la Lady. Cette scène ainsi que le long (et très beau) passage du ballet sont ciselés à la perfection. Ainsi de détail en détail, tout en soignant l’ensemble, Callegari montre ostensiblement l’amour qu’il porte à Verdi (dont il a déjà dirigé vingt et un opéras) et à Macbeth.
Il est assisté d’un chœur qui, tant pour sa partie féminine que masculine, fait briller les nombreuses pages qui lui sont dévolues. Le Patria oppressa mêlant les talents orchestraux si subtils et choraux si bien interprétés est une merveille qui fera dans le public retentir un tonitruant “Viva Verdi”.

Dans l’interview qui figure dans le programme, Daniel Benoin indique vouloir donner aux sorcières l’un des rôles principaux de l’opéra et axer la production selon une logique d’émancipation de la femme à la sortie de la guerre de 14-18. Devenues ouvrières, alors que les hommes étaient au front, ces femmes ont pris le pouvoir et usent de celui-ci pour influencer Macbeth, cet être au caractère faible qui dépend des autres. Le problème, c’est qu’actualiser (et détourner) ainsi l’histoire donne lieu à des incohérences, et les aspects surnaturels introduits par Shakespeare, et conservés par Verdi, y perdent toutes leurs forces. Benoin nous entraîne alors dans une approche purement psychologique, illustrée par un usage immodéré de la vidéo qui emplit et sature l’espace, noie l’action et les solistes plus qu’il ne les met en valeur. Ainsi, lors de la scène du dîner, Benoin, fidèle à sa démarche psychologique, fera le choix de ne faire apparaître les fantômes, autrement qu’en vidéo. Par ailleurs, lorsque nous ne sommes pas dans l’usine, l’action se déroule chez les Macbeth, dans une pièce à l’esthétique Art déco, un décor pas forcément hors-sujet, mais surtout trop lourd, avec son lit et sa table, qui nie singulièrement à la fluidité de l’ensemble. Ce faisant et d’autant que la direction d’acteurs (notamment pour les choristes) n’est pas suffisamment précise, l’on ressent l’impression de perdre cette part de sorcellerie inhérente à l’opéra, sorcellerie que Verdi était allé chercher chez Shakespeare pour si bien le mettre en musique.

On le sait, plus que sur Macbeth, il est patent que Verdi a surtout eu les yeux rivés sur la Lady, personnage qu’il a peaufiné et, alors que Jenny Lind était candidate au rôle à Londres (ce qui, entre autres raisons, amena le maestro à surseoir au projet), celui-ci aura finalement échu à une artiste à une tessiture opposée, une soprano dramatique colorature. La titulaire du jour, Silvia Dalla Benetta, s’impose d’emblée par l’autorité naturelle de sa voix puissante, capable de se plier aux exigences d’une partition meurtrière. Elle maîtrise totalement cette écriture qui doit combiner la souplesse du bel canto à l’inflexibilité de la femme machiavélique. Si seuls quelques aigus seront un peu durs – mais l’on sait à quel point Verdi cherchait une voix atypique pour le rôle – cela n’est pas déterminant pour Lady Macbeth. L’on sent surtout en elle un total contrôle du rôle et une capacité à ne pas se réfugier dans la fureur permanente. La façon dont elle aborde La luce langue, en quasi parlando, témoigne de cette virtuosité. Le Brindisi est un autre moment de bravoure qu’elle survole avec toute la dualité qui sied à la scène où elle tente de faire bonne figure tout en morigénant son mari. Enfin, la scène finale, quoiqu’un peu surjouée, termine la boucle d’une interprétation en tous points adéquate.

Face à elle, Dalibor Jenis s’attache, au contraire, à cultiver les nuances de la psychologie de Macbeth et ce, dès le début dans son duo avec Banco. Ce n’est pas sans risque, face à la puissance de feu de Dalla Benetta. Et si celle-ci peut parfois avoir tendance à l’éclipser une peu, c’est par la complexité du personnage qu’il sort son épingle du jeu. Il incarne à merveille cet homme qui, face à la robustesse de la Lady, perd vite pied et se retrouve tiraillé entre son ambition et ses fantômes. Son dernier air, notamment, sera admirable de souffrance sous-jacente.

Dans le rôle de Banco, Giacomo Prestia porte beau ses 61 ans. Si un vibrato est, désormais, par moments, bien présent, la voix de basse puissante et profonde éloigne le compagnon de Macbeth du simple faire-valoir. Son monologue à l’acte II est d’une grande beauté.

En revanche, si Samuele Simoncini possède un instrument qui lui permet d’affronter la page dédiée à Macduff, il n’y montre pas la moindre subtilité et s’y révèle surtout efficace.
Enfin, David Astorga, Marta Mari et Geoffroy Buffière tiennent parfaitement leurs seconds rôles.

Dans cette première page verdienne en tant que récent chef principal et “maestro concertatore” à l’Opéra de Nice, accompagné de ses solistes, Daniele Callegari a porté la partition de Macbeth très haut. Cela laisse augurer, pour le plaisir du public, une féconde collaboration entre lui et l’institution.

Visuel : © Dominique Jaussein 

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Paul Fourier

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