Classique
Un requiem très romantique

Un requiem très romantique

27 April 2023 | PAR Jean-Marie Chamouard

Le 26 et le 27 Avril 2023, à la Philharmonie, l’Orchestre de Paris et le Chœur de l’Orchestre de Paris interprètent le Requiem de Giuseppe Verdi, sous la direction de Jaap van Zweden.

Le poète Alessandro Manzoni était son ami. Il partageait avec lui ses idéaux, son engagement en faveur de l’unité italienne. Guiseppe Verdi (1813-1901) est très affecté par sa mort en 1873. Il avait déjà composé le Libera me en 1869 pour la mort de Rossini. Il complète sa «Messa da Requiem» qui sera créée le 22 Mai 1874 à la Cathédrale San Marco de Milan puis à la Scala. Le Requiem respecte la tradition catholique, mais pour le chef d’orchestre Hans von Bülow il s’agit «d’un opéra en robe d’ecclésiastique. Verdi y utilise tout son art de la mise en scène et de l’opéra et donne libre cours à son génie créatif.

L’union de l’Orchestre de Paris et de son chœur

L’orchestre de Paris n’avait pas joué le Requiem de Verdi depuis 2016. Pour cet événement, la Grande Salle Pierre Boulez est comble. L’orchestre est dirigé avec prestance, avec autorité, par le chef hollandais Jaap van Zweden. Ses gestes sont amples, expressifs. L’orchestre est une pièce fondamentale du drame qui se joue dans ce Requiem. Les murmures des violoncelles introduisent le Requiem aeternam des chœurs, captant dès les premières mesures l’attention de l’auditeur. De violents accords, le roulement de la grosse caisse, le rythme haletant des percussions : l’orchestre inaugure avec violence le Dies irae. Le solo des trompettes annonce, dans un crescendo spectaculaire, le Tuba mirum. Ceux sont les trompettes du jugement dernier. Mais l’orchestre sait aussi se faire douceur lorsque les violons accompagnent le chant romantique de la soprano dans le Lacrimosa ou lorsque le son cristallin des flûtes s’associe à la voix lumineuse de la mezzo soprano dans le Lux aeterna .
Le Chœur de l’orchestre de Paris est composé de chanteurs amateurs. Un chœur très impressionnant, ils sont presque une centaine ce soir, mais ils paraissent ne faire qu’un avec l’orchestre. Les choristes peuvent être doux, émouvants lorsqu’ils psalmodient le Requiem aeternam, menaçants lorsqu’explose le Dies Irae. Ils chantent avec joie et légèreté le superbe Sanctus, avec apaisement et sérénité l’Agnus Dei. Un moment de recueillement religieux qui pourrait transporter l’auditeur dans un monastère.

Quatre solistes très lyriques

Aude Extrémo est une mezzo-soprano française. Une voix d’une grande beauté. Une voix chaude, puissante, mais qui devient une consolation dans le Quid sum miser, un chant d’amour accompagné par les flûtes dans le Recordare. René Barbera est un ténor américain d’origine mexicaine. Sa voix est pénétrante, séduisante, riche en nuances. La basse française Jean Teitgen impressionne par sa voix majestueuse, profonde, sinistre parfois. Ses accents sont tragiques dans le Confutatis. Une voix sombre dans le Lux aeterna lorsque la basse répond avec les percussions à la lumineuse Aude Extrémo. C’est l’alternance de l’ombre et de la lumière. Elza van den Heever est une soprano sud africaine, née à Johannesburg, mais vivant en France. Sa voix se révèle surtout dans le Libéra me. Un long récitatif pour la soprano, très lyrique, très romantique. Sa voix se fait alors chaude, séductrice, enjôleuse, émouvante.

Une œuvre de grande intensité dramatique

La colère divine domine le Requiem. Le Dies irae est de loin la partie la plus longue de l’œuvre. Une colère divine aux allures d’apocalypse. Une colère peut être contre la dévastation de la mort, contre les morts qui ont assombri la vie du compositeur. Celle de sa femme et de deux jeunes enfants. Mais l’œuvre n’est pas uniquement sombre. Le sanctus apporte un moment de joie, l’Agnus Dei de sérénité. L’auditeur sera très ému par la beauté de la mélodie du Lacrimosa.
Les contrastes sont peut-être les plus marqués lors du Libéra me. La séquence très romantique chantée par la soprano est interrompue par les surgissements, répétés, effrayants du Dies Irae. La fin évoque une apothéose portée par la puissance mêlée du chœur et de l’orchestre . La musique devient presque joyeuse, comme si l’homme était libéré de son destin funeste. Mais le compositeur nuance le propos, l’ultime Libéra me est une supplique chuchotée par la soprano. Comme si ce chef-d’œuvre se terminait par un point d’interrogation inquiet…
Le requiem de Verdi est une œuvre grandiose, spectaculaire, riche en émotions. Ce fut un concert à la hauteur de ce chef-d’œuvre, un concert mémorable, inoubliable.

Visuel:© JMC

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Jean-Marie Chamouard

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