Opéra
La Flûte à St Etienne a-t-elle bien enchanté?

La Flûte à St Etienne a-t-elle bien enchanté?

01 May 2015 | PAR Elodie Martinez

La Flûte enchantée jouée à St Etienne était une reprise de la création de Lausanne mise en scène par Pet Halmen en 2010 puis reprise à Vichy en 2014. Cet opéra connu de tous ne cesse toujours pas d’être interprété, réinterprété et parfois un peu trop revisité. La vision adoptée ici permet différentes lectures mais surtout elle donne une belle accessibilité aux enfants. Un opéra pour toute la famille!

La première chose que l’on remarque lorsque l’on entre dans la salle est le décor : en lieu et place du rideau de scène, l’image significative d’un serpent qui se mord la queue (ou ouroboros), céleste par le fond et l’éclipse de lune, toujours si symbolique. En plus de cela, les dessins de colonnes sur les côtés font penser à ces anciens plans architecturaux, donnant un indice sur la mise en scène qui nous attend. Enfin, au-dessus de la scène, la lune et le soleil sont unis et surplombent ce qui va se passer.

Le spectacle débute et la première image est celle de Tamino, deux livres dans les mains, la miniature de la bibliothèque de Weimaren en feu. Pet Halmen a effectivement expliqué son désir d’incorporer cette incendie dans sa vision de l’oeuvre. A partir de là, le spectateur peut se laisser porter par deux interprétations possibles : la première est d’accepter que ce que l’on voit sur les planches est réel dans un univers merveilleux créé par Mozart, la seconde est d’imaginer que le coup porté à Tamino le plonge dans un rêve et que c’est ce dernier que nous allons voir se développer devant nos yeux. Si cette lecture n’a rien d’exceptionnelle, elle est pourtant fortement appuyée ici par cette mise en scène faisant penser à un conte pour enfant. Le décor alterne entre bibliothèque noire et vide pour l’univers de la Reine de la Nuit, et bibliothèque blanche et remplie de livres pour celui de Sarastro ; parfois, le rideau se baisse à nouveau ne laissant que l’avant-scène aux chanteurs et nous présentant sans fin l’image de ce serpent. Les costumes (pas toujours très convaincants) semblent poursuivre dans l’univers d’un livre pour enfants, mais on se demande pourquoi présenter une Pamina aux cheveux noirs alors qu’il est dit et chanté qu’elle est blonde.

Côté voix, Philippe Spiegel reprend le rôle de Papageno qu’il incarne de manière si jouissive, même en pingouin! Il est probablement le personnage le plus fort, éclipsant tous les autres par sa bonne humeur et sa drôlerie. Même Tamino (Jussi Myllys), à la voix pourtant plaisante, ne parvient pas à se faire véritablement remarquer à ses côtés. La scène finale avec Papagena et la ponte des œufs est vraiment très amusante. Amusantes également, les trois dames de la reine dont le potentiel scénique et humoristique révélé ici est trop souvent oublié dans les mises en scène. L’une des trois voix peinent cependant à se faire entendre entre les deux autres…

Pamina est quant à elle interprétée par Chiara Skerath dont le timbre de voix si particulier peut surprendre dans ce rôle. L’oreille se laisse cependant entraîner et l’air qu’elle offre au deuxième acte est superbe et nous emporte aisément. La Reine de la Nuit, dont les acrobaties vocales sont toujours tant attendues, apparaît sous les traits de Hila Fahima qui parvient à accomplir l’exercice sans pour autant se libérer de la technicité qu’il implique : l’effort se sent encore ici un petit peu trop, sans bien sûr pour autant décrédibiliser le personnage.

Enfin, déception pour ce qui est des trois enfants qui paraissent loin du niveau que l’on attend ici. La basse de Richard Wiegold reste elle aussi souvent assez faible et l’on entend assez peu le chœur lorsque celui-ci chante des coulisses (alors que ce n’est heureusement pas le cas quand il est sur scène!)

On ressort donc partagé de cette production : des artistes qui incarnent très bien leurs personnages mais des voix pas toujours au rendez-vous avec quelques points de la mise en scène discutables et beaucoup d’autres très intéressants. Papageno réhausse véritablement ce spectacle qui est à voir en famille, amusant tout un chacun avec son air de conte pour enfants.

© Cyrille Cauvet

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Elodie Martinez
Après une Licence de Lettres Classiques et un Master en Lettres Modernes, Elodie découvre presque par hasard l'univers lyrique et a la chance d'intégrer en tant que figurante la production du Messie à l'Opéra de Lyon en décembre 2012. Elle débute également une thèse (qu'elle compte bien finir) sur Médée dans les arts en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, puis, en parallèle d'un stage dans l'édition à Paris, elle découvre l'univers de la rédaction web et intègre l'équipe de Toute la culture où elle participe principalement aux pages d'opéra, de musique classique et de théâtre. Elle a aussi chroniqué un petit nombre de livres et poursuit l'aventure une fois rentrée sur Lyon. Malheureusement, son parcours professionnel la force à se restreindre et à abandonner les pages de théâtre. Aujourd'hui, elle est chargée de projets junior pour un site concurrent axé sur l'opéra, mais elle reste attachée à Toute la culture et continue d'être en charge de l'agenda classique ainsi que de contribuer, à moindre échelle, à la rédaction des chroniques d'opéra.

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