[Interview] Jérôme Brunetière : « Au Festival d’Aix-en-Provence, nous contribuons à inventer l’opéra de demain ! »
Le Secrétaire général du Festival, également Directeur de l’Académie et de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée, nous a accordé un entretien. Au programme, entre autres, la très belle programmation 2021, le programme de l’Académie et les riches initiatives du Festival pour renouveler la forme et le contenu du genre opéra.
Bonjour Jérôme Brunetière, alors que la culture est, enfin !, sur la voie d’un assouplissement des règles sanitaires, dans quel état d’esprit est l’équipe du Festival d’Aix-en-Provence ?
Un festival cela s’organise très longtemps à l’avance. En 2020, nous nous sommes retrouvés dans la situation d’un Festival annulé pour sa partie Opéra, même si nous avons tout de même diffusé des concerts sur la scène numérique. Le Festival 2021, qui était déjà programmé, a également dû tenir compte des reports de ce qui était prévu en 2020. Cette année, nous nous sommes donc mis en situation de donner un grand Festival de relance avec un mot d’ordre « Rêvons ensemble ». Nous n’avions pas forcément anticipé la durée de la crise, mais, depuis septembre 2020, nous avons gardé le cap malgré ces « montagnes russes » dues à la pandémie.
Aujourd’hui, nous sommes dans la dernière ligne droite : les artistes sont à Aix et répètent et, à partir du 30 juin, nous connaîtrons une réduction des contraintes sanitaires. Nous pourrons donc partager nos productions avec le public, ce qui nous réjouit énormément. Nous espérons vraiment que, lorsque le rideau se lèvera, ce sera « presque » comme d’habitude… même si les spectateurs seront masqués, que la circulation du public dans les théâtres devra être retravaillée et qu’il y aura probablement un pass sanitaire.
Donner l’impression que c’est comme d’habitude
Mais, pratiquement, cela doit être compliqué…
Oui ! Côté coulisses, mettre en place des protocoles nous permettant de travailler avec une certaine sérénité et éviter d’avoir des clusters au sein des équipes artistiques fut un travail considérable. Cela a nécessité une réorganisation de la machine de répétition du festival. C’est une machine déjà extrêmement complexe, car six premières de nouvelles productions vont avoir lieu en 6 jours, ce qui veut dire que tout est répété de front et que les répétitions sont imbriquées dans le planning. Des spectacles qui se succèdent dans un théâtre répètent aussi en alternance dans ce même théâtre ou, le reste du temps, dans nos studios de répétitions situés à Venelles (là où sont, par ailleurs, nos ateliers), soit dans des studios à l’intérieur du Grand Théâtre. Il a également fallu adapter l’activité de l’Académie et de l’Orchestre des jeunes de la Méditerranée pour éviter les croisements entre les différents groupes artistiques. Donc, comme je le disais, il faut que le public ait l’impression que c’est « comme d’habitude ». La magie du spectacle, c’est de ne pas montrer toutes les difficultés que l’on a rencontrées lors de la préparation. Mais cela aura été une mécanique très complexe.
Ce qui frappe de prime abord dans le programme du festival 2021, c’est la grande variété de ce qui est présenté, avec notamment des œuvres de trois compositeurs majeurs (Wagner, Verdi, Mozart), ce qui semble assez inhabituel pour le Festival.
Cela va, finalement, être la deuxième programmation de Pierre Audi, celle de 2020 n’ayant pu être présentée. Et la variété que vous soulignez correspond à sa vision d’une programmation de festival. On vient dans un festival pour voir des événements exceptionnels tels que le sera une nouvelle production de Tristan et Isolde, avec le London Symphony Orchestra dirigé par Sir Simon Rattle, avec Nina Stemme et Stuart Skelton dans les deux rôles-titres et Simon Stone à la mise en scène. Il en est de même pour Falstaff par Barrie Kosky… pour ne citer que ces exemples.
Simon Stone et Barrie Kosky doublement à l’affiche
Des metteurs en scène comme Simon Stone et Barrie Kosky présentent chacun deux spectacles. C’est probablement un effet de l’annulation de l’édition 2020…
Oui, en effet ! Sont programmés deux événements qui étaient prévus en 2020 : Innocence, une création mondiale alors que Simon Stone aussi mettre en scène Tristan. Heureusement, nous avions pu répéter Innocence l’année dernière. Nous étions allés jusqu’à la générale piano, donc le travail de mise en scène avait pu être réalisé sur la totalité de l’œuvre, même s’il reste encore du travail à faire.
La deuxième production qui a été reportée est Le coq d’or. Pour cet opéra, nous avions eu, l’année dernière, une série de répétitions dites « lumières » qui nous avaient permis de caler la technique du décor et de la lumière. Et, surtout, le spectacle est créé ce soir à Lyon.
Depuis les années 50, le Festival d’Aix est, par tradition, un festival où Mozart est naturellement présent. Qu’en sera-t-il cette année ?
Il y a toujours, en effet, cette très grande fidélité à Mozart. Cette année, ce sera avec une nouvelle production des Noces de Figaro à l’Archevêché avec le Balthazar Neumann Ensemble, dirigé par Thomas Hengelbrock dans une mise de Lotte de Beer.
Il y aura également une production baroque avec Combattimento. Ce ne fut pas le cas dans la programmation de Pierre Audi en 2019, mais, là aussi, c’est assurément une tradition du festival. Une autre tradition qui est respectée est de présenter une création mondiale et de la musique contemporaine.
À côté de ces grands pôles – Mozart, le baroque et la musique contemporaine -, dans son histoire récente, le Festival s’est autorisé à présenter des grandes œuvres de répertoire. Alors, il est vrai que cette année nous aurons à la fois Verdi et Wagner dans la même édition. Je ne sais pas si cela s’est déjà produit dans l’histoire du festival, en tout cas pas dans son histoire récente. Mais, c’est malgré tout une fidélité à la tradition du Festival qui s’autorise tous les répertoires.
Puisque nous parlons de Verdi, nous entendrons également l’opéra I due Foscari en version concert, avec Marina Rebeka, Leo Nucci et Francesco Meli.
Il y a eu régulièrement des versions concert au Festival d’Aix. Ainsi, il devait y avoir un Orfeo de Monteverdi en 2020. Je me rappelle aussi, dans le passé, les Boréades de Rameau avec Marc Minkowski, d’Eugène Onéguine avec l’orchestre du Bolchoï dirigé par Tugan Sokhiev. Une version concert est une manière intéressante de partager une œuvre avec le public, notamment pour des œuvres moins fréquemment mises en scène, mais qui ont une valeur musicale exceptionnelle et, surtout, qui sont des écrins magnifiques pour les voix. Notre public y est très attaché. C’est pour cela que nous avons ces due Foscari cette année et cela se reproduira probablement les années suivantes.
Des orchestres prestigieux et des portraits : Kopatchinskaja, Saariaho…
Et il y a aussi une très belle programmation de concerts…
En effet, la programmation de concerts s’étoffe dans cette édition. C’était déjà le cas dans la programmation annulée de 2020. Il est important, pour le public, d’avoir de nombreux rendez-vous avec le concert. À Aix, nous n’avons pas d’orchestre maison ou un lien privilégié avec un orchestre comme c’est, par exemple, le cas à Salzbourg. Mais nous invitons des orchestres très prestigieux ; c’est l’occasion de les entendre en fosse et également de leur proposer des programmes de concert.
Par ailleurs, la situation géographique du Festival nous permet de donner toute sa place à son ouverture vers la Méditerranée. Nous aurons aussi des programmes de jazz, des cycles de récital qui nous permettront d’entendre des grandes voix.
Et nous aimons aussi présenter des portraits dans notre programmation. Cette année, nous retrouverons, par exemple, Patricia Kopatchinskaja dans plusieurs concerts, dont le Pierrot lunaire, qu’elle a déjà donné plusieurs fois. Mais cette fois-ci, ce sera dans une forme particulière, au Théâtre du jeu de paume, avec une première partie et des éléments de mise en scène réalisés par Silvia Costa, la metteuse en scène de Combattimento. Elle jouera également avec le London Symphony Orchestra et avec Barbara Hannigan.
Nous avons également un portrait de la compositrice Kaija Saariaho, avec Innocence bien sûr, mais aussi avec un concert de musique de chambre et des concerts avec le LSO.
Il y a donc une programmation de concerts très structurée qui propose chaque jour ou presque, un concert au public et permet au public de festival de composer son propre programme en y intégrant des opéras et des concerts. C’est également un élément structurant de la programmation du festival.
Un festival tourné vers la Méditerranée
Il se trouve qu’il y aura aussi deux œuvres qui s’intéressent au monde arabe. L’une, L’apocalypse arabe sur la guerre du Liban et l’autre, sur l’histoire d’une femme égyptienne. Est-ce un hasard ?
Je dois, malheureusement, vous apporter une précision, car il n’y aura pas de représentations de Woman at point Zéro cette année. La création devait se faire à Anvers ; elle a été annulée à cause de la crise sanitaire. Il n’a pas été possible de retrouver le temps de répétition pour pouvoir le présenter à Aix en 2021, mais, bien entendu, nous étudions un report.
Pour répondre à votre question, non le fait d’être tourné vers le monde arabe n’est pas du tout un hasard, car le festival d’Aix-en-Provence est un festival méditerranéen. Depuis plus de 10 ans, le festival a vraiment fait le choix de regarder vers la Méditerranée, d’abord en collaborant avec l’Orchestre des jeunes de la Méditerranée, qui existe depuis 1984. Cet orchestre fait désormais partie intégrante du festival. Cela a permis de créer des liens artistiques très nombreux avec des pays de la Méditerranée. L’orchestre accueille chaque année des musiciens de tout le pourtour méditerranéen. Sous l’impulsion d’Émilie Delorme – à qui j’ai succédé dans le rôle d’administrateur de cette équipe – un réseau s’est développé, ainsi que des opportunités de montrer et de faire entendre des artistes de la Méditerranée et de la musique arabe. À tel point que cet orchestre de la Méditerranée a désormais deux phalanges. Une phalange symphonique est dirigée, depuis 2020, et pour trois années, par Duncan Ward. C’est une nouveauté, car jusqu’ici nous n’avions pas de chef sur plusieurs saisons. Et, à côté de cette phalange symphonique, nous avons une phalange interculturelle qui porte le nom de Medinea, comme notre réseau d’institutions méditerranéennes. Il est mené par le saxophoniste et compositeur belge Fabrizio Cassol. C’est un lieu de création et de musique qui associe des esthétiques méditerranéennes, des esthétiques jazz, avec une forte part donnée à l’improvisation, ou, pour le moins, une approche qui n’est pas classique dans l’écriture d’une partition. Toute la session de répétition du concert s’établit en faisant appel à l’improvisation pour aboutir à une forme qui se cristallise au moment du concert.
Pour revenir à L’apocalypse arabe, dès son arrivée, Pierre Audi avait le souhait de commander un opéra sur ce très beau texte de la peintre et poétesse Etel Adnan. La création sur la musique de Samir Odeh-Tamini aura lieu cette année ; elle s’inscrit totalement dans cette ouverture méditerranéenne. Dans la situation explosive de nouveau au Proche-Orient, cela fait malheureusement écho à une actualité terrible.
Cette production sera donnée « hors les murs », à Arles…
Absolument ! D’ailleurs, la fondation Luma d’Arles coproduit avec nous ce spectacle et a accompagné ce projet dès son origine. Ce sera aussi une ouverture vers ce lieu qui va être inauguré à Arles, un grand lieu d’art contemporain avec lequel nous partageons de très nombreuses valeurs d’ouverture, de curiosité artistique et avec qui nous souhaitions vraiment réaliser cette association artistique. C’est un lieu extrêmement spectaculaire, extrêmement inspirant pour créer du spectacle vivant et de l’opéra.
« Le public d’Aix n’est pas un public conservateur »
Lotte de Beer qui vient de mettre en scène Aïda à l’opéra de Paris, Barrie Kosky, Simon Stone… les metteurs en scène présents à Aix cette année sont assez décapants. C’est un choix artistique d’avant-garde. Est-ce que le débat sur les mises en scène novatrices est un débat que vous percevez à Aix et comment anticipez-vous un débat avec un public divers, dont une partie peut-être assez conservatrice ?
Je n’ai pas l’impression que le public d’Aix soit un public traditionnel. Sous les directions de Bernard Foccroulle et, avant lui, de Stéphane Lissner, le Festival a entretenu cette tradition d’inviter des metteurs en scène extrêmement créatifs avec un regard très novateur sur les œuvres. De surcroit, ce sont toujours des metteurs en scène avec une grande qualité de travail et de direction d’acteurs.
Je dois dire que c’est même quelque chose que les spectateurs attendent du Festival. L’on n’attend pas d’un festival exactement le même type de spectacles que ce que l’on peut aller voir dans une saison, même si vous allez me dire que l’on coproduit nos spectacles et que beaucoup des spectacles du Festival sont ensuite présentés dans les saisons des théâtres.
Il existe un besoin de ce regard novateur, d’expérience. Un spectateur du festival d’Aix n’est pas exactement dans le même état d’esprit qu’un spectateur qui va assister à un spectacle à l’Opéra, dans la ville où il vit, où il travaille, à Paris, à Lyon, à Londres ou à Bordeaux. Nous sommes dans une démarche où l’on se rend à un Festival pour voir une série de spectacles et où, finalement, le spectacle est le moment central de la journée. Bien sûr, ce que je dis est un peu caricatural, car il y a aussi beaucoup de spectateurs de la région. Il y a des spectateurs qui, trois heures avant d’être assis dans un siège de l’Archevêché, étaient à leur bureau, sur leur lieu de travail. Mais il existe également une démarche de festivaliers qui met dans une disposition où l’on a très envie d’être surpris, d’être étonné !
Donc, je le répète, je ne sens pas du tout ce public comme un public conservateur. Vous utilisez le mot « décapant », mais pour des propositions artistiques très novatrices – je pense spontanément au Carmen de Dimitri Tcherniakov – nous avons toujours reçu un accueil très chaleureux du public y compris lorsque les propositions étaient très radicales et très éloignées d’une esthétique classique. Je pense que c’est ce que l’on souhaite voir lorsque l’on vient à Aix.
De 9 à 350 euros
J’ai une question sur les prix pratiqués au Festival d’Aix. En comparaison ce ceux pratiqués par les Opéras, et c’est une constante des festivals, ces prix sont élevés. Mais l’on constate à Aix un éventail extrêmement large. Sur Tristan, cela va de 30 à 320 euros. Le constat peut être, par ailleurs, relativisé lorsque l’on voit les tarifs des autres festivals comme les Chorégies d’Orange ou – probablement l’un des plus chers au monde – le Festival de Salzbourg. Pouvez-vous nous parler de cette politique tarifaire et, aussi, de la question de la rentabilité des spectacles ?
Certes, le prix de la place la plus chère dans les différentes salles du festival d’Aix est très élevé. Vous l’avez cité, 320 euros pour Tristan et Isolde, 290 euros pour les autres opéras à l’Archevêché et au Grand théâtre de Provence. Mais, comme vous l’avez justement remarqué, l’éventail est important et ce n’est pas que de l’affichage ! Il est très important pour nous d’avoir des places à des tarifs abordables, 30 et 55 euros, sachant que, pour une partie du public, 55 euros c’est déjà une somme très significative. Il faut en avoir conscience !
Alors pourquoi des prix si élevés pour les places les plus chères ? Nous touchons vraiment là au modèle économique du Festival. Le Festival est, aujourd’hui, subventionné à hauteur de 35 % de son budget, par l’État, par la ville d’Aix-en-Provence, par la métropole Aix-Marseille, par la région et le département. Il y a donc 65 % de ressources propres et c’est très atypique dans le monde de l’opéra en France. Ce sont des chiffres qui ressemblent davantage à des schémas pratiqués dans certains pays étrangers.
Les recettes de billetterie sont donc nécessairement importantes dans le festival. Il convient de les maximiser, d’une part, par une offre de prix très élevée, mais de compenser par l’existence de places abordables, ainsi que par des manifestations gratuites. Le Festival d’Aix en juin est un prélude au Festival d’été pendant lequel nous proposons des concerts systématiquement gratuits qui permettent une grande ouverture au public. Nous avons également la chance d’être accompagnés par ARTE, notre partenaire média qui va filmer trois de nos opéras cette année, ce qui permet aussi de partager avec le public. Par ailleurs, nous proposons des projections publiques, en direct ou en différé, dans la région PACA. Nous sollicitons toutes les villes de la région pour leur proposer ces projections, en réglant à notre charge toutes les questions de droits, de façon à ce qu’elles puissent les organiser sans avoir rien à payer au Festival.
Nous sommes donc bien conscients que la contrainte du modèle économique nous oblige à avoir certaines places très chères, avec une partie du public prête à les acheter pour contribuer à financer le festival. Mais nous l’accompagnons, car nous souhaitons, vraiment, être un festival ouvert, un festival qui accueille le public le plus large pour lui permettre de découvrir l’opéra. Nous avons aussi un programme pédagogique, « Passerelles » qui s’adresse à la fois, au monde scolaire et au monde associatif, dans un projet socio-artistique. Ce n’est pas du tout une évidence pour un festival. C’est un concept que Bernard Foccroulle avait instauré au Festival et qui continue aujourd’hui à se développer. Je pense que nous avons le programme le plus large parmi les grands festivals. Nous avons également un mécénat qui est très développé depuis la fin des années 90. C’est également un élément très important de notre équilibre.
Le festival est également ouvert aux jeunes…
En effet ! Nous avons un tarif jeune à 9 euros et un programme pour les moins de 30 ans nommé « Opera on ». Les jeunes qui participent à « Opera on » sont principalement des étudiants des universités d’Aix – Marseille. Durant l’année, ils ont la possibilité de participer à des activités de découverte de l’opéra et, ensuite, pour 9 euros, ils ont accès à des places de très bonne qualité pour découvrir les spectacles dans de bonnes conditions, tout en étant accompagnés. Bien évidemment, cette année, compte tenu du contexte sanitaire, nous avons beaucoup utilisé zoom, mais ces programmes continuent à exister et à se développer.
Inventer de nouvelles formes, penser et expérimenter l’opéra d’aujourd’hui et de demain
Jérôme Brunetière, vous êtes également directeur de l’Académie du festival. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ? Est-ce, notamment, une académie qui fonctionne toute l’année ?
C’est principalement une académie qui fonctionne à l’approche du festival, profitant des artistes qui sont présents aux répétitions. Nous avons, à partir de la mi-mai, une forte concentration d’équipes artistiques qui répètent, ce qui crée des conditions extraordinaires pour la transmission et le partage des expériences avec des jeunes artistes. La très grande majorité des résidences de l’Académie se concentre à l’approche du Festival et elles couvrent des champs très divers. Mais nous avons également des résidences qui se développent sur l’année.
L’Académie a débuté par une académie de chant et de chefs de chant. Évidemment, cette résidence existe toujours et reste très importante. D’ailleurs, vous pouvez voir que, dans la brochure, à côté du nom des artistes qui ont participé, à un moment ou un autre, à l’Académie du Festival d’Aix, figure une petite étoile (c’est le cas pour Julie Fuchs, Lea Desandre, Emiliano Gonzalez Toro ou Stéphane Degout).
Dans cette académie, nous nous attachons vraiment à couvrir des activités diverses tournées vers la création et l’invention de nouvelles formes. On sent bien que ce monde de l’opéra, auquel nous sommes extrêmement attachés, est en perpétuelle recherche de nouvelles formes, de nouvelles écritures musicales, mais aussi de nouvelles manières de créer du spectacle vivant qui incorpore du musical et qui peut prendre des formes extrêmement diverses.
Durant ces longs mois de Covid, nous avons été amenés à explorer des formats numériques. C’est une exploration qui va se poursuivre et, à l’Académie, nous souhaitons vraiment être un lieu où des expériences peuvent se produire avec des résidences qui prennent plusieurs formes. Nous avons une résidence opéra, atelier en création qui existe depuis de nombreuses années, consacrée à la réflexion sur ces formes, avec des artistes de champs très divers. Cette année, c’est la metteuse en scène Andrea Breth qui mènera à cette résidence. À cette résidence, cette année, nous avons adjoint une résidence de création interdisciplinaire avec des artistes des arts plastiques, de la danse, et d’autres activités, dans le but d’inventer des formes musicales. Les contraintes sanitaires nous ont obligés à fusionner ces deux résidences et à ne pas aller aussi loin que ce que nous avions inscrit dans notre programme. Mais nous reprendrons ce projet dans 12 mois.
Nous avons aussi une résidence qui s’appelle « opéra de-ci de-là » avec Anthony Heidweiler, résidence dans laquelle nous réunissons des compositeurs, des librettistes, des chanteurs, des instrumentistes avec une forte dimension de diversité et une parité homme femme avec des artistes venant d’horizons culturels, géographiques, sociaux très divers. Le principe d’« opéra de-ci de-là », c’est de créer quatre petites formes, avec quatre équipes, pour une restitution dans l’espace public. Là encore, nous avons dû transformer ce concept, car c’est une résidence qui se fait au long cours et qui devait commencer en janvier avec un atelier. Les artistes se sont rencontrés toute l’année sur zoom, jamais encore en réel ; nous les réunirons au Festival. Nous ne pourrons pas faire la restitution dans l’espace public comme nous l’avions imaginé, mais il y aura une restitution numérique. Ainsi, malgré tout, ce travail se poursuit et malgré la crise sanitaire, nous n’avons pas dit « stop, nous ferons ça l’année prochaine ». Non ! Nous avons vraiment voulu poursuivre le travail et faire ce qu’il était possible de faire afin que la réflexion avance et que ces jeunes artistes puissent s’exprimer, se rencontrer, inventer.
Nous avons également une résidence qui est menée par Katie Mitchell, la metteuse en scène britannique, dans le cadre d’un programme européen « Young Women Opera Makers » où sont présentes uniquement des femmes, des compositrices, des cheffes d’orchestre, des metteuses en scène et des librettistes. Cela part d’un constat très simple, c’est que dans ces métiers du spectacle, les femmes sont extrêmement sous-représentées, à un niveau même vraiment très surprenant, et qu’il faut leur donner des outils, les accompagner pour les aider à développer leur carrière. Ce sont des jeunes artistes que nous avons sélectionnées parmi un grand nombre de candidatures.
Nous avons également une résidence de mentorat de cheffes d’orchestre, trois cheffes d’orchestre qui vont travailler avec le Balthazar Neumann Ensemble, ce qui d’ailleurs donnera lieu à un concert final public.
Donc cet ensemble de résidences nous permet vraiment de balayer tout le champ de la création, de penser, d’expérimenter l’opéra d’aujourd’hui et de demain. Et aussi, comment cette forme de l’opéra, tellement forte, continue à innover, à intéresser des publics divers. Car ce que l’on constate quand on regarde aujourd’hui dans une salle de spectacles à Paris, à Aix à Berlin ou ailleurs, c’est que l’on n’est pas dans une diversité de public, on n’est pas dans une jeunesse de public. Il est donc important de réfléchir aussi sur la forme, pour inventer des formes, à côté des grandes formes classiques dont nous avons parlé au début de cet entretien.
M. Brunetière, voilà un Festival qui s’annonce absolument passionnant. Merci à vous pour ces informations ! Et à cet été pour découvrir tout cela…
L’ensemble de la programmation du Festival d’Aix-en-Provence est ici.